vendredi 27 février 2009

Désir, écriture

Plaquer des mots simples sur la feuille.

Je n’y arrive pas. Le stylo me brûle la main, un rythme, une phrase, des phrases me traversent le corps de part en part sans que je puisse les identifier. Ce n’est pas « normal ». Je ne sais pas comment je sais avec une telle certitude que ce courant froid ce frisson douloureux est l’écriture. Je n’arrive pas à écrire ce que je veux – non : ce que je désire. Je n’en peux plus de ne rien comprendre de ce qui semble devoir peu à peu me dominer. M’engloutir. Sûr de ça : le désir et l’écriture.

lundi 23 février 2009

Deuil (3)


Deuil (1)

Deuil (2)


J’attends dans le sas. La porte qui nous sépare est fermée, tu vois, c’est symbolique, c’est une porte, elle est fermée. Comme une porte, bon dieu. Seulement toi tu es derrière et tu ne m’attends pas. M’as-tu espéré ? Parce que c’est ça, la condition. De notre destin commun, de notre amour. Eternel. Je regarde mes chaussures, elles sont instables, sur le sol inondé de mon deuil. Je patauge au milieu d’une flaque de vomissure beigeasse, je respire un effluve piquant de sueur, la blouse blanche qui m’accompagne, sans doute, termine sa journée. Je lui boufferais volontiers la bite, s’il l’exigeait. Ce n’est pas dans ses intentions je pense. J'essaye un sourire capricieux, je demande :

« Qu’est-ce qu’on attend ?

- La police. »

Evidemment, là, mon jeu tourne court. Ils ont appelé la police ? Mais pour quoi, pour qui, moi je peux le reconnaître, ce corps, enfin je suis là pour ça.

« La commissaire est à l’intérieur avec tous ses amis. J’ai ordre de ne pas entrer tant qu'ils y sont encore. »

vendredi 20 février 2009

"Du côté des bourreaux, du côté des victimes, est-ce qu'on a le choix" interroge Olivier Py.

lundi 16 février 2009

Je suis zétéro

Je m’appelle Ouatte-chome mais je n’encule pas n’importe qui. Non parce que je suis hétérosexuel, t'es pas fou, beurk, un mec ? Malgré mon âge et ma normalité, donc, je ne vis pas en couple et je n’ai pas d’enfant. Les femmes ont toujours fait gaffe avec moi, la pilule, le préservatif. Elles ne me courent pas après faut dire. Elles devraient je pense. Du coup je vais à la pêche. Aux moules.

Le soir dans les bars de ma Croix Rousse, on boit des bières avec les copains, on mate les filles avinées qui s’écroulent au bord du zinc, on donne des notes. Ça rigole. Pas une pour sauver l’autre. On les saute chacun son tour, sans se l’avouer, ou alors à demi mot parce que c'est un peu la honte de se taper des truks pareils. Enfin moi le cul, en général, c’est plutôt portion congrue. Je ramène quand même, ça m'arrive, mais surtout de la viande saoule, des filles quasi mortes quand je les baise. Des fois aussi, c’est moi qui bande mou, je m’échine cinq minutes, pour faire honneur. De toute façon elles sont souvent frigides, elles auraient des mecs, sinon, des réguliers je veux dire. Il y en a qui ne font même plus semblant de jouir. Et puis, un de ces soirs, au café, une petite nouvelle avec ses jolis yeux frondeurs nous remue le bout du bout de la tripe au fond du bide et là, selon le niveau de frustration, ou d’alcoolémie, c’est compétition ouverte. Bataille. Son poitrail réussit à nous remobiliser, on imagine tous y glisser nos griffes. J’échoue, comme d’hab’ et j’ai un haut-le-cœur quand le bellâtre de service emporte l’affaire. Les filles sont vraiment des connes.

« Merde quoi, est-ce qu’elles peuvent même imaginer ce que mon amour a de pur, d’inaltérable et de beau ? » me dis-je juste avant d’enfiler une dernière Météor froide comme l’hiver.

Oui, hétérosexuel, je suis aussi un pauvre type.

jeudi 12 février 2009

Le journaliste et la photographe

Tu manges quoi ? Rien. Non, rien. Je n’ai pas faim. Parce que je prendrais bien une part de tarte. Prends, prends. Tu la vois, celle-là, c’est leur dernière, dans la vitrine ronde. Une tarte au chocolat. Et dessus c’est de la chantilly ? Oui.


Ça coule dans la gorge comme une goulée de rhum, ça brûle comme une bouffée de cigarette, une blonde, sans filtre. Un goût de caramel ou de réglisse s’immisce, un jus brunâtre gicle jusque sur ma lèvre inférieure. Coup de langue discret.


T’as fini c’est con j’ai faim maintenant. T’aurais dû me dire. Ben je te le dis tu m’as donné faim. Je te commande un truc. Mais non t’inquiète, c’est pour rire, je m’en fous de ta tarte. Raconte, plutôt, ça se passe comment en ce moment. Et toi ta rencontre avec, comment il s’appelle ? Oh rien. Il est beau, jeune, il a des subventions tout autour du ventre. Qu’il a plat ? Qu’il a plat.


Ça se vide en moi, ce garçon dont je parle m’inspirait tant de douceur. Entre deux trains, il est passé aux Célestins où je l’ai interrogé pour le journal qui m'emploie.


Je n’ai pas vraiment eu à l’interroger. Genre tu mets un euro. Et il a quel âge ? Le mien. Tu vas le revoir ? Il faudra bien que j’aille voir son spectacle, mais sinon. Cool, moi j’ai vendu plusieurs photos, plusieurs, génial, non. C'était une bonne expo, dans une bonne galerie. Du coup je pars en vacances, j'ai déjà les billets, mais j’ai fait une bêtise.


Je le vouvoyais en le saluant, normal, et puis soudain je me suis mis à le tutoyer. Il s’est assis à côté de moi, pour me montrer des photos de la création. Son ordinateur n’avait plus que 8 minutes d’autonomie, nous nous serrions l’un contre l’autre, je jurerais que nous nous serrions. Enfin c’était boulot boulot, il était content que mon journal lui consacre un article. Je sais pourtant qu’il m’a reconnu, à la fin, il m’a tapé la bise, une vraie, les lèvres sur ma joue.


Devine. J’ai pris les billets d’avions et nous partons, mon chéri et moi, le 19 mars, ça ne te dit rien. Merde la grève. Et tu crois qu’ils me l’auraient dit à l'agence. Faut jamais partir un jeudi. Tu ne demandes pas où on part ?


Ça coule un goût de marbre sous la langue, ça coule un béton noir, je me débats pourtant, jusque sur les fonds vaseux du Rhône où je dépose, ma plume.

mercredi 11 février 2009

Tchou - tchou

Il y a toujours un peu ce sentiment qui se vide en moi quand le train, une fois encore, s’éloigne, avec tous ces gens vachement contents dedans. Des romans sont encore publiés par palettes, des grosses bouses et puis aussi, je suppose, une ou deux belles choses. Pas mes romans. Alors je re-questionne ma phrase, mes thèmes, on pourrait imaginer que cela me fera progresser, pourquoi pas, mais surtout c’est une immense douleur, une plainte qui me vient de très loin, le déchirement de ce pacte avec l’enfance, cette promesse, remise en cause, encore. Une plainte qui, décidément, ne cessera jamais.
Oh aller ne fais pas ta malheureuse, me dis-je. C’est un train qui s’en va.

mardi 10 février 2009

La petite fille

"Y'a une petite fille, y'a une petite fille, là. C'est normal ? C'est une petite fille ? Elle est où ? Y'avait une petite fille ?"

vendredi 6 février 2009

Un inconnu, place Louis Pradel

De l’amour de l’amour ! Du à prodiguer bien sûr, du qui coule sur moi telle une eau claire, du qui étanche, par les pores, mes soifs torpides et des culs nus dans un lit, des sourires béats, bêtes à pleurer, de l’amour, de l’amour !


Dans la rue je croise une vision de ce petit matin rêvé. Je me love quelque seconde en l’interstice, en la faille spatiale que la beauté des garçons sait produire, à tout instant, annihilant les distances, comme une invitation. A l’amour, à l’amour. Sous l’averse, je m’immobilise. Les pieds froids, place Louis Pradel, je sers contre moi, sous son sachet plastique, le livre que je viens d’acheter. Je ne le lirais probablement pas, pourtant je suis très heureux de l’avoir avec moi. Les chaussures blanches de ce jeune homme, avec des bandes velcros, j’en ai essayé du même genre l’autre jour, pas chères, moins cinquante pourcent. Un peu too much. Les jambes bleues de ses jean’s tombent super bien sur ses pieds, c’est un garçon bien fait. Je le suis jusque sous les grandes arches noires de l'Opéra. L’eau s’insinue en moi, je vais feuilleter mon livre dans le métro.

jeudi 5 février 2009

Séverine, rue Pierre Blanc

Je l’avais vue dans La Ménagerie de verre, je crois. Elle y était splendide, je ne me rappelle plus bien de la pièce, je me souviens en revanche de Séverine. Les cheveux de jais courts et à peine coiffés, les petites lunettes rondes. Une robe rose, peut-être. Elle écrasait tout et tous, et pourtant légère, aussi, planait sur nos admirations, brûlait dans nos prunelles. Je la regardais, je la désirais voire entière, sa peau, ses seins. J’avais applaudi à m’en peler les doigts, ah, je lui étais reconnaissant. A cause de La Ménagerie de verre et parce qu’elle me démontrait que je pouvais désirer une femme. Elle, Séverine, nulle autre.

Je l’apercevais ensuite au jardin des plantes, cette grande pelouse en pente sur la Croix-Rousse, qui dégringole vers la mairie d’arrondissement. Avec son môme, elle goûtait un joli jour de mai. J’avais alors préféré opérer un long détour, pour ne pas avoir à supporter le feu qu’elle allumait en moi.

Mai, je suis allé voir une autre pièce de Tennessee Williams, laquelle ? Cela m’échappe. J’ai invité un copain, je n’avais pas été prévenu, la représentation était reportée.

Le petit Théâtre de la rue Pierre Blanc est un ancien commerce, transformé pour accueillir une petite centaine de personnes, je crois. La devanture de la boulangerie, depuis 10 ans, est intacte, occultée par de lourds tissus marrons. J’essaye en vain d’ouvrir la porte et je commence à m’alarmer de ce que nulle queue, devant elle, ne se forme. J’essaie à nouveau et même je trouve une sonnerie et j’appuie, drinnng. Soudain, un rideau se soulève, la porte s’ouvre et… C’est elle, Séverine, à quelques centimètres de moi, elle nous informe, elle semble désolée, s'excuse. Je trouve à lui bredouiller que ce n’est rien et, d’une sèche virevolte, lui tourne le dos. Mon ami prononce un au revoir plus joyeux, nous reviendrons la semaine prochaine, annonce-t-il. Je ne la regarde plus, je fuis, je cherche une respiration. Le témoignage amusé de mon ami sera dès lors des plus précieux, ma déroute une bonne histoire à raconter partout.

Le monde entier ne saurait se douter que je ne désire, sauf exception, que les garçons.

lundi 2 février 2009

Citation

"Le désert que j'étais, j'eusse voulu le peupler de mots"

Pierre Michon,
in Vies minuscules (folio)