lundi 18 février 2013

Mes carnets du Maroc (61)

Trente-sixième jour
Mercredi. Dernier jour tranquille à Essaouira. Demain, je file à Marrakech. Je me lève avec un bon mal de crâne. Évidemment, les échéances de départ provoquent malgré moi des contractions internes, crispations de tripes. L'eau a été rétablie dans l'hôtel, pendant la nuit. Je ne me suis pas lavé depuis trois jours. À part aux endroits stratégiques. Aujourd'hui j'ai prévu hammam et massage. Achat d'un billet Supratour pour Marrakech. Achat de deux trois trucs à Saïd.

Trente-sixième jour
J'ai rempli chaque mission avec succès. Coût estimé : trop. Mais je dois encore acheter de l'huile d'argan. Quelques litres.

Trente-sixième jour
Nous avons échangé nos adresses avec Saïd. Auparavant, il m'avait emmené chez un beau-frère qui tient, entre autres, un magasin d’Épices dans le souk, sous les arches d'un ancien caravansérail et à quelques mètres des étals de poissons. Ce Monsieur nous a servit le thé, m'a annoncé les prix, ça a fait gloups dans ma gorge. J'ai donc dû réviser mes prétentions, j'ai pris quatre demi-litres, dans quatre bouteilles plastiques d'eau minérale. Mais c'est de la première pression à froid, garantie par Saïd, première qualité. Nous sommes alors allé faire deux trois courses pour le café amazigh de l'admirable Hichem, qui nous a donc cuisiné des brochettes de kefta et des tomates grillées. Je n'aurais d'ailleurs pas dû me gaver comme je l'ai fait. C'était délicieux, mais j'ai l'organisme crispé, je ne lâche rien, et mon expérience de hammam et de massage californien était agréable. Deux jeunes femmes très jolies, sans pitié, se sont occupées de mon cas. Évidemment, si Hichem avait été masseur, peut-être que. Mais bon. 500 dh, pas donné, quand-même, dans cette ambiance entre la maison close et le salon de coiffeur, où je finis en lapant un thé brûlant. La mère maquerelle, encore jeune et pas si bien coiffée que ça, est venu papoter quelques minutes, histoire de mériter son salaire. "Les filles d'ici ont le sens du massage, elles ont des mains", me dit-elle, "c'est une tradition". J'explose mon budget en une journée de dépenses, j'aurais pu rester deux semaines de plus avec tout ça. Mais je dois rentrer, maintenant. Et je me dis qu'il fallait bien que je lâche ma thune dans ce pays qui a besoin de blé.
Bon, objectif, demain avant de partir acheter de la mahia Ghazella ou Rousso (sur les conseils de Saïd, qui rejoignent ceux d'Andy)(la mahia c'est l'eau de vie de figue du coin, je rappelle). Départ estimé direction Marrakech, 15 h 15. Ensuite, eh bien, ce sera le retour à Arnakech, les taxis qui cherchent à te flouer, les hôtels qui refusent de négocier, et Jemaa El-Fna, une réjouissante dernière fois. Je vais flipper pour mon avion, le lendemain, fermeture des portes à 8 h 20, donc, il me faudra trouver un grand taxi pas trop gourmand avant 7 h. Tous mes derniers dirhams pourraient passer dans cette ultime course, à moins que je ne réussisse à prendre un bus, square Foucault, ce qui est compliqué en raison d'une absence totale de renseignement, le numéro du bus, l'horaire, je ne sais même pas où trouver les informations. 


vendredi 15 février 2013

Mes carnets du Maroc (60)

Trente-cinquième jour
Premier mai. Un syndicat a installé un podium place Moulay Hassan, à l'entrée de la vieille médina. Des chansons saucissonnent en boucle, à plein tube. Tremblants sur les enceintes et trônant en plein centre de la scène, deux photographies encadrées, sous verre et sur des chevalets. Un des personnages, en noir et blanc, est probablement le fondateur du syndicat. L'autre est le roi.des drapeaux du Marc flottent de part et d'autre. Il est vrai qu'ils sont rouges. Et des flics en tenue de propre papillonnent, plus nombreux que les ouvriers, et même que les touristes. Les ritournelles treès parti Communiste des années 70 ont dû faire fuir tout le monde. La rumeur de ce refrain, que je perçois depuis l'endroit où j'écris, devrait suffire à me la mettre dans la tête pour la journée.

Trente-cinquième jour
Ballade jusqu'au bout de la plage. Un No man's land où le sable fin se déguise en désert de dune. Un Oued s'y forme, qui change de courant au gré des marées, remonte jusqu'à un pont, menant à un village, Diabat, sur sa colline. Des pas de dromadaires et de chevaux dans le sable mouillé, démontrent sans doute que l'endroit est fréquenté par les hommes bleus, les Touaregs, de passage après de longues traversées du Sahara. Non je déconne. Cela démontre
juste que les touristes que tu croises ici sont le plus souvent à dos de cheval ou de dromadaire. Pas l'ombre d'une méharée par ici, et d'ailleurs, peu d'ombre. Un magnifique garçon ultra bronzé, me poursuit un peu. « Jolie Jaquette » m'avait-il abordé, dans la ville. Puis, il me repère sur la plage, « eh ! Tu me reconnais ? ». Il loue des fauteuils en plastique, il me rassure, viens me voir, c'est gratuit pour toi, on discutera. Et moi je n'ai pas envie de discuter. J'étais au début de ma ballade, je lui dis d'accord, peut-être, au retour, et ce faisant je ne pouvais m'empêcher d'admirer son torse glabre et noir. J'ai continué de fantasmer ce garçon pendant la marche et au retour, en m'approchant des fauteuils verts dont il a la charge, j'avais la gaule. Mais je ne tenais pas plus que ça à subir de nouvelles avanies, et je l'aperçois de dos, draguant deux Européennes. Je passe mon chemin.

Trente-cinquième jour
J'arrive au niveau du port juste au moment des défilés. D'abord celui de L'UMT (Union Marocaine des Travailleurs), qui traîne derrière lui une centaine de militants sous la bannière du PC. L'ambiance est revendicative, sans violence, plutôt morose en fait, policiers et militaires disposés de part et d'autre. C'est le syndicat majoritaire chez les pêcheurs. Ils ont d'ailleurs un local sur le parking du port, où ils avaient élevé une tribune. Je n'y ai vu personne prendre la parole, mais ils donnaient à plein une sono à peine croyable, des airs d'accordéon grésillant dans les transistors, des interventions enregistrées tirées d'archives du PCF des années 50, on aurait dit que les 78 tours avaient repris du service. Un rassemblement plus populaire, en tout état de cause, que le défilé qui venait juste d'un peu plus loin, de la place Moulay Hassan, celui de l'UGTM (Union Générale des Travailleurs Marocains). Une grande blague, avec le portrait du roi en tête de cortège, et dedans des gens bien proprets, coiffés de casquettes blanches. Rappelons que le roi est un des plus gros employeurs du pays. Un air de ballade dominicale, ce cortège, pas loin de ce qu'avait voulu le maréchal Pétain lorsqu'en rendant ce jour chômé, il avait voulu récupérer l'événement. Enfin, même si les apparences ne jouent pas en faveur de l'UGTM, n'accusons personne ici de pétainisme.