Trente-deuxième jour
La cité de Mogador inspire la
nostalgie. Parfait pour la conclusion d'un voyage. J'entrevois des
possibilités de discussion avec des gens. Le réceptionniste, dont
l'apparence d'ultra religieux ne m'inspire pas que du dégoût. C'est
un jeune homme accorte, qui espère me voir rester parce qu'il n'est
pas certain d'être payé, s'il n'y a pas assez de clients. Je crois qu'il aimerait bavarder. Tout à
l'heure il m'a invité à boire le thé, moi je ne voulais que
m'allonger un temps. Devant la porte de l'hôtel, il m'a présenté à
un menuisier édenté : « lui c'est un vrai habitant
d'Essaouira, un vrai Souiri ». Et le menuisier de se mettre à
ricaner, « lui campagne campagne ». Je ne suis pas sûr
de comprendre, alors il imite le bruit du pas de l'âne, et ce geste
de la main du paysan qui mène la bête, juché sur elle, avec sa
baguette. Il a un bon rire, l'artisan, et j'éclate de rire à mon
tour. Le jeune Religieux répond c'est du racisme ça, qu'est-ce que
tu as contre les gens de la campagne, c'est nous qui donnons à
manger aux gens. Toujours l'humour taquin des Marocains.
Dans la rue, un autre artisan, avec une gueule bizarre, la mâchoire semblant vouloir se détacher de son visage. Il éprouve d'ailleurs apparemment des difficultés pour parler. Dans son espèce de placard, il fabrique des petits objets de marquèterie en thuya. Il m'a montré une photo de lui pendant son apprentissage, en 1982. Un très beau jeune homme de quatorze, quinze ans. Putain. Ce que le temps nous fait. Il connaît deux ou trois mots de français, je ne sais si nous pourrions avoir une discussion. Et puis son objectif est sans doute de me vendre une boîte. Toujours dans la même rue, il y a un marchand de tapis qui m'a abordé en passant, je lui ai dit que je n'étais pas intéressé. Et quand même, comme tout se disait dans la bonne humeur, lorsque je suis repassé, il était en train de fermer boutique, nous avons échangés de nouveau. J'ai pu lui dire que s'il éprouvait des difficultés à lier amitié avec des Français, j'en avais beaucoup quant à moi avec les Marocains. Ah bon ? Oui, ils croient tous que je suis riche, il n'y a donc pas moyen d'avoir une discussion sans qu'à la fin on me demande de l'argent. Ah bon ? Oui, à un moment ou à un autre, le Marocain va tenter de me vendre quelque chose. « Ah ! Vendre ! Pas faire la manche. Vendre, acheter, c'est pas pareil, c'est la vie ». Mais il a fermé boutique, cette fois, donc, je le quitte, et il me lance, passe-donc, moi, je ne te demanderai pas d'argent.
Dans la rue, un autre artisan, avec une gueule bizarre, la mâchoire semblant vouloir se détacher de son visage. Il éprouve d'ailleurs apparemment des difficultés pour parler. Dans son espèce de placard, il fabrique des petits objets de marquèterie en thuya. Il m'a montré une photo de lui pendant son apprentissage, en 1982. Un très beau jeune homme de quatorze, quinze ans. Putain. Ce que le temps nous fait. Il connaît deux ou trois mots de français, je ne sais si nous pourrions avoir une discussion. Et puis son objectif est sans doute de me vendre une boîte. Toujours dans la même rue, il y a un marchand de tapis qui m'a abordé en passant, je lui ai dit que je n'étais pas intéressé. Et quand même, comme tout se disait dans la bonne humeur, lorsque je suis repassé, il était en train de fermer boutique, nous avons échangés de nouveau. J'ai pu lui dire que s'il éprouvait des difficultés à lier amitié avec des Français, j'en avais beaucoup quant à moi avec les Marocains. Ah bon ? Oui, ils croient tous que je suis riche, il n'y a donc pas moyen d'avoir une discussion sans qu'à la fin on me demande de l'argent. Ah bon ? Oui, à un moment ou à un autre, le Marocain va tenter de me vendre quelque chose. « Ah ! Vendre ! Pas faire la manche. Vendre, acheter, c'est pas pareil, c'est la vie ». Mais il a fermé boutique, cette fois, donc, je le quitte, et il me lance, passe-donc, moi, je ne te demanderai pas d'argent.
Trente-troisième jour
Pas d'eau, pas d'eau. C'est la première
fois depuis que je suis au Maroc. Andy m'a révélé qu'il y avait eu
deux coupures d'eau pendant mon séjour chez lui à Aït Benhaddou.
Mais il avait prévu la chose dès la construction de sa maison en
faisant enfouir deux citernes de béton hydrofuge de huit et deux
tonnes. Il y avait même adjoint des filtres achetés à Montpellier
afin que l'eau soit vraiment potable pour tout le monde. J'espère
prendre une douche, ce soir, en attendant je me suis aspergé de
parfum, non que ce soit utile, je ne pue pas encore, mais en souvenir
de mon voyage dans l'Europe de l'est à peine libérée de la tutelle
soviétique, où je refusais les douches froides, et plus encore les
douches collectives. Du coup,à l'époque, j'ai passé cinq ou six jours sans me
laver. Je m'aspergeais de déodorant (eau sauvage d'Hermès tout de
même) et j'appelais ça ma douche.
Trente-troisième jour
Journée sereine, sans trop de
pression. J'attends le départ, peut-être, comme s'il n'y avait plus
d'enjeu. Me laissant porter, j'ai rencontré Bertrand, un Breton de
Paris, à la pâtisserie Chez Driss où j'ai pris mon petit-déjeuner.
J'ai revu le port, j'ai lu Don Quichotte et j'ai rit tout seul au
milieu de la plage. J'ai croisé le petit marchand de tapis qui
fermait boutique et nous sommes allé tout deux boire un thé. Dans
un endroit bien caché des touristes. Et le quittant, à proximité
de nos deux habitations, le gros qui m'alpague chaque fois que je
passe devant son restaurant, m'aperçoit et je n'ai pas la force de
refuser. J'entre, je commande un tajine qui s'avère très bon, pour
30 dh, et deux musiciens gaouas sont installés à côté de moi. Ils
se mettent à jouer. Le gros est en joie. Moi aussi. En fait,
l'endroit a une âme, il est animé, par la bienveillance et la bonne
humeur de ce jeune Monsieur. Et voilà qu'il chante, et une fois que les
musiciens se sont tus, il hèle en anglais, en espagnol, avec un sourire
souiri, les derniers touristes perdus. Les musiciens reprennent des airs entraînants et le
voilà qui danse.