dimanche 29 mars 2009

B268, mon malaise

Je me sens nauséeux à l'idée d'avoir donné en pâture ce roman écrit en 2002, jamais corrigé. Je suis en train de me rendre compte que je me suis violenté en laissant seul mon manuscrit affronter des lecteurs anonymes.
C'est toujours ce problème fondamental, ce lecteur unique qui manque à mon travail. Avant de présenter un manuscrit, il faut le corriger, merde, et pour le corriger il faut un lecteur capable de me dire où je me perds, de pointer les faiblesse du récit... B268, je ne m'en étais jusqu'alors pas préoccupé. Suite à cette mise en ligne chez Léo Scheer, j'ai juste coupé une trentaine de pages, soigné encore quelques passages, retaillé des phrases un peu longues ou prétentieuses. Et maintenant j'ai honte du texte que les gens peuvent lire. Je réfléchis en ce moment à demander à Léo Scheer de supprimer ce m@nuscrit...

vendredi 27 mars 2009

B268

P-F

4ème étage

…camion met dix minutes pour se garer, un gros machin avec un moteur battant de bon matin, pas gêné, il empiète sur l’arrêt du trolleybus numéro 6, et puis trois bonshommes en sortent, dotés d’épaules et de bras, mais pas tant que ça, ils vont siffler un café à « La Réclame », rue Imbert Colomès, si bien que Pierre-François croit qu’il va pouvoir se rendormir, malheureusement les gars, quand ils reviennent, ils font un barouf pas possible, ils claquent tout ce qui ressemble à une porte, ils traînent les poubelles au dehors. Le 6, arborant les couleurs des Transports en Commun Lyonnais, en arrivant, proteste tant qu’il peut, carillonne, s’ouvre à une jeune fille flemmarde et une vieille arabe avec un fichu sur la tête, puis repart en grommelant. Dans l’allée, les déménageurs font fissa, ils communiquent en hurlant, Pierre-François n’a rien d’autre à faire que de les observer, depuis son 4ème étage. Il ouvre sa fenêtre et la ville vient prendre d’assaut sa petite chambre. Le tumulte, deviné, barré de borborygmes mécaniques, que l’air chaud porte en toute quiétude jusqu’à elle. P-F engrange de larges goulées de cette poisse paresseuse qui s’imprègne de l’odeur des murs, s’y frotte en ronronnant. Les hommes qui entrent et sortent de l’allée à toute blinde se colorent peu à peu. Un grand brun se pointe, peut-être le nouveau voisin, accompagné d’un homme chauve, de son âge, la quarantaine, alors que ça plaisante de moins en moins. Le 6, rouge de colère, carillonne une plainte avant de contourner l’obstacle. Les gosses assis sur les marches de la rue Pouteau devisent, vendent, rient, gueulent, fument, jouent, courent, rient encore. L’alarme d’une automobile malmenée par un passant s’éteint tandis que deux porteurs écarlates tiennent un vieux frigo de collection. Le nouveau voisin s’empare d’un autre carton. Bref, sous le 18 de la rue Pouteau, qui croise à cet endroit la rue Imbert Colomès, le petit coin de Croix-Rousse, morceau de route entre deux longs escaliers plongeants sur le centre-ville, prend vie.

Maintenant que P-F est debout, il peut faire quelque chose, il ne se sent pas fatigué.

(à suivre)

jeudi 26 mars 2009

J'ai tout lu Barthes

"Savoir qu'on n'écrit pas pour l'autre, savoir que ces choses que je vais écrire ne me feront jamais aimé de qui j'aime, savoir que l'écriture ne compense rien, ne sublime rien, qu'elle est précisément "là où tu n'es pas" - c'est le commencement de l'écriture"
Roland Barthes in Fragments d'un discours amoureux (éditions du Seuil).

lundi 23 mars 2009

Muriel, Café du Marché, Café des Ecoles, Bistrot Carnot

Combien d’heures, hein. Combien d’heures à parler d’abord de lui. Sans le dire, et même en le niant – mais pourquoi aurions-nous eu tellement besoin de le nier – nous nous sommes si souvent avoué notre amour insondable pour lui. Notre amour qui était comme de la matière sombre, un grand bloc d’ombre terrifiant dans lequel nous nous enfoncions. Avec un plaisir, comment dire, canaille. Tous les deux. Nous étions deux, j’aimais ce couple d’amoureux, mais d’un autre, qui se retrouvait autour d’un café, puis deux, et encore un. Jamais notre dialogue, peut-être à cause de cet amour, ne tarissait. Quelle tendresse, Muriel, me revient en pensant à ta jolie tête ronde, à ton sourire ironique, j’ai aussi, dans mon corps, le souvenir de ta voix. Avec quelle hâte je me rendais à nos rendez-vous, pas seulement parce que j’étais en retard. Nos discussions hantent à jamais, pour moi, ces endroits, ces cafés que nous fréquentions, et même les rues alentours.


Je sais que tu as deux enfants, maintenant. Es-tu heureuse ?

vendredi 20 mars 2009

Odeur

"Ça pue la solitude"
(in Le club des cœurs brisés, c'est un film à la con que j'aime bien, laissez tomber)

jeudi 19 mars 2009

Nique la Police



Je découvre
ça ce matin sur le site de jeandelax et ça me rend malade.

Verdict du tribunal le 9 mars. On sera attentif.

Non mais je suis un peu débile, pour un mec qui annonce être vigilant, en faits pas le 9 mars - comme me le fait gentiment remarquer Fincasor.

Le 8 Avril !!!



mercredi 18 mars 2009

Merdredi

Soirée Théâtre, hier. Je vais finir pédé c'est pas possible à toujours aller dans des endroits pareils. Les comédiens étaient en skins suédois, jean's moulant, merde, sexys quoi. Un texte de Lars Loren, Froid, mis en scène par le nouveau co-directeur du Théâtre des Ateliers, Simon Delétang. Je ne vais pas en écrire ici une critique parce que je dois le faire pour mon employeur et je ne vais pas me fatiguer à en écrire deux.

Je n'ai rien à dire ce matin. On verra dans l'après-midi.

mardi 17 mars 2009

Mordi

Un concert de The Ex, c'est un drôle de moment à vivre, ça pulse comme une techno, ça remue tant que ça peut, baby, c'est du rock, du punk, quoi. L'extraordinaire chanteur de ses 29 dernières années a décidé de se retirer, pour écrire, et ses compagnons continuent leur tournée perpétuelle, jouissive, avec un p'tit nouveau. Un marrant qui tranche avec la sinistre figure de son prédécesseur, mais qui a un peu une tendance pop dans la voix. Je lui en veux longtemps à cause de ça, jusqu'au deuxième rappel exactement où là, dans un morceau original, pas forcément le meilleur dans l'absolu, il a le sang, on a ses os, il se montre enfin nu, à la hauteur. Il en serait presque... sexy ? Avec lui, si l'on perd en incantation, on gagne un joyeux luron, une guitare et une rengaine : quelques notes répétées tout le long du concert, presque sur chaque morceau. Faut aimer, disons que je ne lui en veux pas trop. Par contre, sa guitare prend toute sa mesure dans des moments où les deux compères Terry et Andy semblent pouvoir prendre toute la place et... ne le font pas. C'est peu dire que dans ses fameuses ruptures de ton, dans ses élégantes montées en puissance, grâce aussi à la fabuleuse batteuse, Catherine, qui sait effleurer ou appuyer, le groupe est toujours aussi émouvant, drôle, même, par moment.
Pas mécontent, donc, ce matin, d'être allé boire deux bières du côté de Feysin, hier soir.

Mal aux jambes, c'est malin. Je voulais aller courir, ce ne sera pas possible. Le bide en vrac et le boulot qui m'appelle, "Ouam-Chotte, Ouam-Chotte" J'ai sommeil en plus. Le soleil enfin là pourtant devrait me motiver, j'ai d'ailleurs la face toute rougeaude aujourd'hui d'avoir bien glandé hier, en terrasse.

La conscience sourde de ma médiocrité me mine je crois. Pour oser écrire, il faut renoncer à ses rêves de grandeur, Proust, Genet, ce deuil est déjà fait. Mais quelle peut être mon ambition, du coup.


Faudrait que je baise, y'a pas.

lundi 16 mars 2009

Commun lundi

Je passe par hasard devant le bar, il est fermé, pourtant deux tristes sbires s’essuient le coude au zinc et le patron, m’apercevant, m’interpelle. Je rigole. Même le dimanche, maintenant, si ce n’est pas de l’alcoolisme. Troisième bière, je rigole encore, la compagnie de ces deux drôles m’est agréable. On va partir en vadrouille. Le dimanche, pas vraiment le choix, on s’engouffre où on peut, dans des rades qu’on connaît à peine, ça ne nous empêche pas de beugler des bonjours à la cantonade et nous rions grassement de nos plaisanteries. On se trouve nuls, on boit des bières, c’est marrant. Je dors peu, ensuite, mais je me sens plutôt en bonne forme ce matin. Je n’ai pas la tête en vrac, les jambes répondent bien, je ne flippe même pas pour le boulot, alors que je devrais. Je n’ai toujours pas rencontré ce doux garçon qui serait l’enchantement qui manque à mes journées. J’appelle ma copine Jane, elle ne répond pas, fait chier.

mercredi 11 mars 2009

Deuil (4)


Deuil (1)

Deuil (2)

Deuil (3)


Je suis dans le sas encore. Je me demande ce que j’y fous. La commissaire et ses sbires squattent la chambre froide. L’infirmier commence à me zyeuter le boule, mes jean’s le moulent, je suis à l’étroit, c’est exprès. Dans d’autres circonstances, je tenterais la chance, une conversation, un sourire. Sauf que là l’envie m’est ravit. La perspective d’une entrevue avec la police m’effraye, j’aurais voulu me trouver seul avec, avec toi. Allongé devant moi, immobile, les yeux fermés. J’aimais te regarder dormir. Est-ce qu’ils t’ont fermé les yeux ? Poisseux, je le suis de plus en plus, il fait chaud, ici, non ? Il doit faire chaud parce que mon accompagnateur est maintenant torse nu, la main sur l’élastique de son caleçon qui mon dieu contient à peine son vit. Il me semble qu'à ses pieds sa blouse est noyée dans un néon.

« Bonjour, vous êtes… ?

- Ah, Madame la commissaire. »

Les policiers soudain envahissent le sas, cassant la rêverie. Les visages graves autour de moi me rappellent que tu es mort, même à moi. Je suis en deuil.

vendredi 6 mars 2009

Lui, toi, Lycée Ampère Bourse

Je te revois au Lycée surgissant de derrière un large pilier de pierre. Ce fut comme si, fier arbrisseau, tu sortais de terre. Ce visage frais, sale, maculé de jeunesse ! Soudain, les règles apprises, temporelles, que je m’efforçais de croire naturelles, s’effaçaient à jamais devant une certitude : « Je t’ai toujours aimé ». Des mots absurdes, qui ne peuvent dire la vérité, mais s’en approchent, autant que possible. Des mots défaits, flottants, qui avouent leur faiblesse. Des mots vaillants qui luttent contre le vide. Des mots absorbés par leur propre trou noir. Des mots-Dieu contre l’évidence, contre le temps. Tu étais soudain devant moi comme une apparition, dans la cour du Lycée. A l’instant où je t’apercevais, mon amour était de toute éternité. Ton regard vers moi avait la douceur, la couleur, la tendreté d’une jeune pousse d’aiguilles d’épicéa, de celles que je mâche avec gourmandise au printemps, sur mes chemins de montagne. J’en savourais, dès lors, si joyeux, le potentiel de douceur et de piquants. Car tes yeux, en croisant les miens, avaient esquissé, en même temps que tes lèvres, un timide sourire. Tu me découvrais entièrement et je te découvrais. Pourtant, ce ne fut, à cette minute, que le début de l’histoire. Tout en moi fut bouleversé, mes journées, mes westerns. Il ne fut plus un instant, plus un livre sans toi.

mardi 3 mars 2009

Sur l'écriture

Je suis ennuyé car je ne retrouve pas, en ce moment, cet état de ferveur qui est l'objet de ma recherche, il me permet de plonger à l'intérieur du langage, j'en conçois le sens avec une jouissance qui est mon projet d'écriture même.

Tentative par les mots : ce qu'ils provoquent. La chaîne des mots jusqu'au point qui termine la phrase. Difficulté : choisir le premier. Il faut créer le trouble. Un verbe, à l'infinitif, c'est d'abord ce qui me vient. Chercher. Mourir. Abandonner. Tiens, « abandonner » semble convenir, pour l'instant. C'est bizarre, car je considère les verbes comme gênants, ne générant que des objets et des formes trop simples, bateaux. Il faut en général que je me débarrasse de cette encombrante légion de verbes. Il m'arrive d'en faire une liste, pour qu'ils cessent de réclamer. « Chercher » revendique une place que je ne peux lui donner car je me perds dans ce mot qui est une galaxie. « Abandonner » est une locution dans laquelle je me sens bien. Je vais en gommer la forme verbale et n'en garder que le substantif : « Abandon ».

L'abandon nu aux caresses du ciel est une intense agression de force vitale. Il y a la brûlure lente, inexorable, du soleil sur la peau, blanche, la douceur d'un vent frais qui me soulage. La mouche qui se pose sur ma cuisse et m'agace. Je n'ai qu'une certitude. Je suis vivant.

A force d'essayer, de ne pas me satisfaire des phrases que je m'oblige à aligner sur la feuille, il me vient comme une impatience.

Je me réjouis de l'impression générale, la page qui se noircit. J'ai écrit. Le travail avance.

Mais je tourne en rond.