"Mustapha,
le trou du cul, qu'a plus de face, qu'un derrière. Un assez beau,
mais qu'il écarte, sans cesse, et qu'il frotte sur le nez de qui
veut bien lui renifler. Jeanne avait bu, voulait qu'il la prenne,
voilà, se faire tringler, c'est ce qui la remet au monde, à sa
place, tas de chair nouveau né, putain, merde. Elle s'ouvrait,
susurrait un poème, d'amour, cherchait à enchanter la Mousse, pour
qu'elle s'étende, sur elle, et l'envahisse. Mais son ventre resta
vide."
Cela
débute par une inquiétude. Dans un silence que rien ne trouble, ou
alors il y a du vent dans les voilures chantantes du petit bois du
vallon. Le rôdeur se devine entre deux éclats de lune. Un homme, un
timide, à la vertu ventrue, la tête rentrée dedans. Un passant
fardé d'assurance et de bonne conscience. Un autre, un boutonneux
tardif, qui va lui donner du Madame. Et l'homme approche, avec son
besoin falsifié, son sale besoin, auquel il pourrait renoncer, s'il
pissait, là, maintenant, un bon coup.
Le
rôdeur ne s'avance pas, Jeanne s'inquiète. Et espère. Elle peut
encore. Elle a vieilli comme ça, dans ce déséquilibre, qui lui
donna longtemps l'illusion d'avancer. Le pied droit lui laissait
espérer le gauche, le gauche, vacillant, s'inquiétait des
faiblesses du droit. Elle dansait de l'un à l'autre.
Jeanne
a bien entendu, tout à l'heure, il y avait une voiture, qui s'est
arrêtée à bonne distance. Autour de son camion, il y a un
territoire. Un territoire qui s'appelle dehors. Un premier cercle où
tu es sous son regard. Un second, que tu traverses pour qu'elle ouvre
sa porte. Et tu fais entrer le prince ici, dans ton royaume. C'est
lui qui se déshabille, tu veux bien l'aider, mais c'est plus cher.
Tout est plus cher, dans l'ordre, fellation, baiser, pénétration,
sodomie, sors ta queue, qu'on en finisse. Jusqu'aux filaments
blanchâtres qu'elle préfère oublier dans un froissement de
sopalin. Le billet qu'elle n'oublie pas, qu'elle fait disparaître.
Et ses seins qui tombent à s'en détacher, mais non, elle les range.
Les
lunettes carrées, bonjour, c'est combien. Ok, c'est d'accord, et le
gros homme à la respiration profonde, haletante, pose ses lunettes
sur la télé. « On peut mettre le chauffage ? »
C'est plus cher, dit Jeanne. Et elle joue avec ses couilles.
Cher
Romain.
Des milliards et des milliards de gouttes de verre, traversées par la lumière. La lumière décomposée des milliards et des milliards de fois. C'est ce que je vois s'il pleut.
J'offre ma peau, j'essaie de garder les yeux ouverts.
Si je me déshabille, j'ai l'impression d'être bénie, par la lumière, par la lumière décomposée.
La lumière poisseuse m'enrobe.
Romain, c'est cette grande promesse, de ta jeunesse et de tes muscles ronds. Tant de beautés dans le jardin où nous nous sommes présentés, à l’abri de l'orage, sous la bâche du marchand de glace. Ce sont tes mains, tes baisers, Romain.
Je suis dans ce jardin planté de millions de tiges d'argent.
Des milliards et des milliards de gouttes de verre, traversées par la lumière. La lumière décomposée des milliards et des milliards de fois. C'est ce que je vois s'il pleut.
J'offre ma peau, j'essaie de garder les yeux ouverts.
Si je me déshabille, j'ai l'impression d'être bénie, par la lumière, par la lumière décomposée.
La lumière poisseuse m'enrobe.
Romain, c'est cette grande promesse, de ta jeunesse et de tes muscles ronds. Tant de beautés dans le jardin où nous nous sommes présentés, à l’abri de l'orage, sous la bâche du marchand de glace. Ce sont tes mains, tes baisers, Romain.
Je suis dans ce jardin planté de millions de tiges d'argent.
Jeanne
avait bu ce qu'il fallait, mais tellement qu'elle s'endormait,
saoul... sous le gros homme en émoi. Elle couinait dans ce sommeil,
elle remuait, elle s'agrippait. Romain lui était apparu, ses lèvres
fines sans sourire et son regard bienveillant. Elle s'accrochait à
cette image, la joliesse du moment, les muscles blancs, et les
tremblements qui naissaient. Jeanne en avait le rimmel qui se mêlait
avec la bave, la chevelure et le fond de teint.
Leur
rencontre avait été brève. Mais c'est que lui, elle voulait le
voir nu, le toucher, l'effleurer, elle espérait le regarder jouir,
souffler, dormir. Il n'avait pas cherché à coucher avec elle. "Non,
non" avait-il juste murmuré. Puis il l'avait étreinte, elle
s'était senti bien dans son étau, il lui avait donné un baiser
chaste et doux.
"J'aimerais
te revoir".
Le
gros homme a repris ses lunettes carrées, soulagé de son besoin,
n'a laissé qu'une poisse, qu'elle frotte un instant, une odeur sure
qui va s'étioler, avec l'encens, et le souvenir d'un étouffement
momentané, agréable. Jeanne ferme son tiroir. Et sa maison.
(lecture des (h) chez Nathalie Veuillet et Simon Marozzi, dans la camionnette de la Hors De transformée en lupanar, avec la présence lumineuse de Pauline en robe jaune, Jeanne maussade, projetant le superbe film de Cyril Besse sur les parois et sur ouam) (ah oui, et moi, caleçon, peignoir blanc cassé trop petit, mi-cuisse, avec des lunettes carrées pour la fin de la lecture) (Fallait voir ça !).
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