Trente-cinquième jour
Premier mai. Un syndicat a installé un
podium place Moulay Hassan, à l'entrée de la vieille médina. Des
chansons saucissonnent en boucle, à plein tube. Tremblants sur les
enceintes et trônant en plein centre de la scène, deux
photographies encadrées, sous verre et sur des chevalets. Un des
personnages, en noir et blanc, est probablement le fondateur du
syndicat. L'autre est le roi.des drapeaux du Marc flottent de part et
d'autre. Il est vrai qu'ils sont rouges. Et des flics en tenue de
propre papillonnent, plus nombreux que les ouvriers, et même que les
touristes. Les ritournelles treès parti Communiste des années 70
ont dû faire fuir tout le monde. La rumeur de ce refrain, que je
perçois depuis l'endroit où j'écris, devrait suffire à me la
mettre dans la tête pour la journée.
Trente-cinquième jour
Ballade jusqu'au bout de la plage. Un
No man's land où le sable fin se déguise en désert de dune. Un
Oued s'y forme, qui change de courant au gré des marées, remonte
jusqu'à un pont, menant à un village, Diabat, sur sa colline. Des
pas de dromadaires et de chevaux dans le sable mouillé, démontrent
sans doute que l'endroit est fréquenté par les hommes bleus, les
Touaregs, de passage après de longues traversées du Sahara. Non je
déconne. Cela démontre
juste que les touristes que tu croises
ici sont le plus souvent à dos de cheval ou de dromadaire. Pas
l'ombre d'une méharée par ici, et d'ailleurs, peu d'ombre. Un
magnifique garçon ultra bronzé, me poursuit un peu. « Jolie
Jaquette » m'avait-il abordé, dans la ville. Puis, il me
repère sur la plage, « eh ! Tu me reconnais ? ».
Il loue des fauteuils en plastique, il me rassure, viens me voir,
c'est gratuit pour toi, on discutera. Et moi je n'ai pas envie de
discuter. J'étais au début de ma ballade, je lui dis d'accord,
peut-être, au retour, et ce faisant je ne pouvais m'empêcher
d'admirer son torse glabre et noir. J'ai continué de fantasmer ce
garçon pendant la marche et au retour, en m'approchant des fauteuils
verts dont il a la charge, j'avais la gaule. Mais je ne tenais pas
plus que ça à subir de nouvelles avanies, et je l'aperçois de dos,
draguant deux Européennes. Je passe mon chemin.
Trente-cinquième jour
J'arrive au niveau du port juste au
moment des défilés. D'abord celui de L'UMT (Union Marocaine des
Travailleurs), qui traîne derrière lui une centaine de militants
sous la bannière du PC. L'ambiance est revendicative, sans violence,
plutôt morose en fait, policiers et militaires disposés de part et
d'autre. C'est le syndicat majoritaire chez les pêcheurs. Ils ont
d'ailleurs un local sur le parking du port, où ils avaient élevé
une tribune. Je n'y ai vu personne prendre la parole, mais ils
donnaient à plein une sono à peine croyable, des airs d'accordéon grésillant dans les transistors, des
interventions enregistrées tirées
d'archives du PCF des années 50, on aurait dit que les 78 tours avaient repris du service. Un rassemblement plus populaire, en tout état de cause, que le défilé qui venait juste d'un peu plus loin, de la place Moulay Hassan, celui de l'UGTM (Union Générale des
Travailleurs Marocains). Une grande blague, avec le portrait du roi
en tête de cortège, et dedans des gens bien proprets, coiffés de
casquettes blanches. Rappelons que le roi est un des plus gros
employeurs du pays. Un air de ballade dominicale, ce cortège, pas
loin de ce qu'avait voulu le maréchal Pétain lorsqu'en rendant ce
jour chômé, il avait voulu récupérer l'événement. Enfin, même si les apparences ne
jouent pas en faveur de l'UGTM, n'accusons personne ici de pétainisme.
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