dimanche 19 décembre 2010

Jaune

Je n'ai pas les moyens de vivre nu. A la plage, avec le sable fondant sous les pieds, l'eau salée me léchant la peau, le soleil, partout ailleurs.
Il y a bien des contingences qui obligent au mouvement. La faim, la soif. Le froid, dont il faut se protéger. Le soir, surtout.
Alors, la plage, ma nudité, je les quitte.

Dans la ville poisseuse, en revanche, il me faut me vêtir, manger, me loger. Travailler. Je cherche quelque chose, j'erre pour ma survie. Je n'ai pas d'ambition personnelle.
Au noir, dans les rades pourris, les restaurants, je me propose, m'offre. Ça me change de la plage, d'accord.
Les néons sales, je marche dedans, la nuit glisse comme sur une tâche d'huile.
Je nettoie au jet d'eau les vasques entartrées, les carreaux en ruines, j'arrose les virgules, sur les murs des toilettes. Je m'écœure, j'apprends ça, à m'écœurer.
Je commence à repenser à la plage.

Au bord de l'eau. Y survivre. Manger, s'abriter. Je voudrais ouvrir un commerce.
Je pense à mon commerce, en chantonnant, sous l'ampoule, dans ma chambre de la ville poisseuse, après le travail. Il y avait du monde, ce soir, au restaurant. Des gueules cassées, des jolies femmes.
Des galettes de maïs, des oignons frits, de la viande. J'aurais des bières au frais, dans ma cabane au bord de l'eau. Ma peau perdra son teint jaunâtre. Les clients viendront nus chez moi, on discutera. Ma baraque en bois peint, couleur du soleil.

(liens, photos signées Borichenko)

vendredi 10 décembre 2010

ronpiche


Merci Katia, je me suis mis à écouter, à l'heure de la sieste, et pouf, ronpiche.

jeudi 2 décembre 2010

Propos entendus

Moi ce que je voulais c'est qu'on s'entende tous, qu'il n'y ait plus de guéguerre, euh. Mais c'est dommage, parce que c'est les ouvriers qui ont payé, encore. 

On a perdu au tribunal. 

Les délégués syndicaux ne sont pas venus. Je ne dis pas qu'ils ont été achetés, mais bon, ils étaient avec nous et aussi avec l'entreprise. Alors l'entreprise a plus à leur offrir. Ils ont été élus, et tout, y'a rien a dire. Sauf qu'ils étaient très remontés, au début, et ils ne sont même pas venus au tribunal. Faut qu'on soit unis, si on n'est pas unis, on n'aura rien, on va perdre. 

J'apprends des nouveaux trucs, je suis dans le bâtiment. C'est sympa je suis avec des gamins de 16 ou 17 ans, ça change, c'est sympa. De toute façon je ne sais pas rien faire. Tu travailles pas t'es pas bien. Il y aurait bien des choses à faire à la maison, mais tu travailles pas, t'as plus envie. Et puis qu'est-ce que tu vas faire, t'installer sur le canapé, regarder la télé, non. Faut travailler. 

On veut que j'aille à l'école, mais y'a l'âge, quand même. Je ne peux pas me retrouver avec mon neveu qui a 18 ans. Il a 18 ans et j'ai 51. C'est fini pour moi tout ça.

Je regarde la télé, oui, quoi faire d'autre ?


(émission Les pieds sur terre du 2 décembre sur France Culture, Ras les bottes)