vendredi 8 mars 2013

Mes carnets du Maroc (62)

Trente-septième jour
Journée tournée vers le départ. Quitter Essaouira me fut presque facile. Je me suis matin laissé gagner par la mélancolie de la ville. 8 h 30 environ. J'ai sourit une dernière fois au petit barbier, des gestes lointains mais amicaux, un clin d’œil, c'est toute une rencontre. Je suis allé traîner mes souliers dans la terre mise à nue depuis un an pour d'interminables et peu probants travaux de rénovation du système d'égouts, j'ai admiré dans la poussière, non loin du souk des poissons, un petit requin, dos à l'air, que ne se disputait aucun chat. Le boulanger livrait par dizaines ses galettes de pain chaud, un marchand de tapis sortait de son lit et, déjà, sur la plage à marée basse, une vingtaine d'adolescents jouaient au football. Un à un, de gros chalutiers manœuvraient à l'entrée du port, harcelé, comme il se doit, par des nuées de mouettes et d'albatros. D'autres de ces oiseaux des mers, en nombre, se reposaient encore sur le sable sec et se disputaient un coquillage ou une crevette oubliée par la marée. Posant mes fesses sur un fauteuil du café terrasse le Chalet, mes pieds sur le muret qui me séparait de la plage, je n'ai pas lu, ni écrit. J'ai regardé. Me suis souvenu que je n'aurai pas tout de suite l'occasion de me perdre dans la ligne pleine et prometteuse de l'horizon. J'ai mangé un petit pain, un café cassé, un jeune Espagnol en tong et sa copine devisaient, il riait, nous avons échangé une complicité, je n'ai guère de doute à l'égard de ses goûts, ce garçon. En rentrant par la place Moulay Hassan presque vide, et pour cela lumineuse tel un soleil, un ventre nu craquait une sieste sur un banc, le pullover sur les yeux. Un travailleur, de l'ombre, s'y réfugiait le temps d'une pause. Un vendeur de space cake accourait, avec un geste soigneux pour le plastique transparent qui protège son plateau. Ouf, sans m'aborder. Une dizaine de Marocains, peut-être plus, me reconnaissaient, dans la rue et me saluaient avec bonne humeur. Très vite, autour de mon hôtel, je disais bonjour aux voisins. Le joli Jamel, guitariste, si doux ; la jeune femme gentille et souriante, avec ses rectangles blancs dans la bouche, en vitrine, mais dont je n'ai jamais osé demander le nom ; Mohammed, qui était un peu triste de ne rien me vendre, j'aurai peut-être dû le soutenir un peu, lui dont le pied gauche se retourne dangereusement, et dont les dents pourries sortent jusqu'à la racine ; le musicien, qui tient une échoppe d'instruments, il joue du oud, je crois, et fort bien, j'ai oublié son nom ; bien sûr, Saïd, dont j'ai assuré les revenus pour un mois, peut-être ; et tous les voisins qui avaient finis par s'habituer à me voir papoter dans la rue, beaucoup semblaient prendre plaisir à me saluer en français, tandis que je faisais, moi, l'effort de répondre en arabe. J'ai donc croisé quelques bonjours avant de partir, et le premier, je crois, d'un ouvrier d'un chantier à côté de l'échoppe de Saïd. Il se promène à vélo, quelque soit la distance, cette fois, son beau visage, jeune, et brun, était moucheté de peinture blanche. Une paire de fesses qui m'a fait penser à JB. JB, la pensée de JB est revenue s'installer, alors que je ne pensais plus à lui. Il a suffit d'un signe de sa part, il a créé un profil facebook, j'ai l'impression, juste pour pouvoir communiquer avec moi. Peu avant 15 h, je suis allé à Baâb Marrakech, chargé de mes deux sacs à dos : le gros pour les soutes, le petit pour l'habitacle.

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