mercredi 28 janvier 2009

Mathias, Saint Ex'

Son cul haut-perché, ses jambes poilues, son odeur de lessive. Ses gros sourcils noirs, son regard vert et sa peau brune et glabre. Le dessin précis de son torse. L’impression d’aisance bestiale, la timidité, la fragilité. La sensualité involontaire, débordant d’une toilette bourgeoise, trop sage. Le plus fort en sport, il enfile un short court, un polo bleu. Il plie ses affaires avec soin. Il courre vite, longtemps, garçons et filles l’admirent. En silence. Du coin de l’œil. En vain, cherchent à le concurrencer.

Une soirée dans une salle des fêtes, ma première cuite, ou pas loin. Sa première griserie. Je ne peux me détacher de lui, je n’ai même aucun souvenir de mes amis. Nous fêtons les 18 ans du meilleur d’entre eux, pourtant, et la fin de l’année scolaire. Mathias est aimable, je m’aperçois que j’exerce quelque influence sur lui, il m’estime. Nous dormons sur une table, l’un à côté de l’autre. On rigole, le lendemain, on prend le bus, il dit que j’ai ronflé. Il descend avant moi. Ne me dit pas au revoir et, en effet, jamais nous ne nous revoyons.

lundi 26 janvier 2009

Deuil (2)

Deuil (1)
Le deuil est huileux. Sur toutes surfaces. On ripe sur le deuil, on ne tombe pas dedans mais dessus, on s’y englue, ça colle comme un zinc de fin de soirée, ça vous tache une chemise et vous rétracte les membres, de méfiance, de dégoût. Je me sens marqué. Au bout d’un long couloir d’hôpital, un épais garçon en blouse blanche m’attend. Il m’aperçoit, hoche la tête. On l’a prévenu bien sûr, à l’accueil. La lumière d'un néon s'enfonce dans sa peau noire, il neutralise son sourire :

« Suivez-moi »

vendredi 23 janvier 2009

Citation

«Tous ces sexes sous la terre, y pense-t-on jamais ?»


Gabrielle Wittkop in Le Nécrophile, éditions Verticales

mercredi 21 janvier 2009

Marcus, Scheinfeld

J’habite à quatre kilomètres du bourg. Mon correspondant allemand cumule, il est obèse, avec des culs de bouteilles sur les yeux, des couilles énormes parfois sorties de son short et des réflexions consternantes sur toutes sortes de sujets. Ma copine Karine, celle qui devient ma bonne copine Karine, est hébergée dans la maison d’à côté. Le hameau est une sorte de lotissement moderne au milieu des champs et les adolescents, dont je suis, se retrouvent pour discuter, rigoler dans l’unique rue, autour de leurs vélos. Mon niveau d’allemand n’est pas suffisant pour que nos conversations soient fluides, nous faisons tous des efforts, des sourires, de grands gestes. On s’apprend les mots « salope » (ça veut dire « tchüss »), « bite » (« bitte »), « archlohr » (« trou du cul »), « je t’aime ».

Marcus éprouve beaucoup de plaisir en ma compagnie, il me le dit. Je baisse la tête, je n’ose lui répondre. Je crois qu’il comprend que je l’aime bien surtout le jour ou nous allons en petit groupe à la piscine de Scheinfeld. Je caracole en tête, sur mon vélo, ce doit être la première fois, parce que j’imagine son doux regard sur moi. Au passage, nous péchons deux ou trois autres français, mes copains, d’accord, et cependant trouble-fêtes. Les groupes se forment alors par affinité de langage, je vais être éloigné de Marcus toute l’après-midi. Mais je ne me rends compte de mon erreur qu’une fois passés les vestiaires. Lorsque je le vois. J’ai honte de moi, de mon gros ventre. Je passe mon temps, ensuite, à le désirer, je croise son regard timide quelques fois.

« Tu viens nager ? » me demande Karine et je crains qu’elle n’ait perçu ma petite mélancolie, ma gêne.

« Je ne me sens pas bien, je vais faire une sieste »

Du coin de l’œil, je détaille Marcus. Sa peau brune me sape. Il est allongé sur un drap de bain, les hanches saillantes, les cuisses larges. Le bras tombant sur son magazine, inanimé, pourtant dessiné de ses jeunes muscles ronds, jusque devant son ventre à peine ourlé de délicieux bourlets. Son slip bleu moule son sexe, au repos, qui pointe vers son nombril et je peux deviner une toison adolescente, aussi noire et délicate qu’une aisselle, au-dessus. Je l’admirais au bord de l’eau, ne souriant pas, malheureux d’être aussi évidemment le sujet de tous les désirs. Il est à l’autre bout de la piscine, il va plonger. Il me regarde, il semble triste, j’ai honte.

« T’es con tu devrais y aller ça réveille »

Karine s’essuie joyeusement, cette fille est joyeuse. Je ricane.

Avant de partir, je revois Marcus, il me fait promettre de lui écrire. J’en rougis. Rentré en France, je lui écris. Il ne répond pas.

lundi 19 janvier 2009

La fausse fille (2)

Quand on lui refait le coup :

« Eh mates son cul de gonzesse »

Il cherche un peu à fuir, il ne voudrait pas approuver, merde, il a un cul de mec ce mec.

Ce qui est agaçant, c’est qu’on l’oblige à mater un garçon dont le seul attrait pourrait bien être le fessier rond, musclé, viril. Mais un garçon fade. A la limite, la fille, qui est toujours à ses côtés, lui paraît moins moche, dans l’ensemble.

« Cette fille, elle a quelque chose » dit-il avec une feinte concupiscence.

Les rires complices, auxquels il ne comprend goutte, mettent un terme à l’anecdote. Il est très fort attiré par un voisin allemand.

jeudi 15 janvier 2009

La fausse fille (1)

« Tu trouves pas qu’on dirait une gonzesse ? »

Lui il regarde, il voit un mec à côté d’une gonzesse, alors il croit qu’on lui parle du mec.

« Euh… Ah bon, tu trouves ?

- Mate un peu son boule, on dirait une fille je te dis »

Lui, dubitatif :

« Ah. Euh. Un peu. »

lundi 12 janvier 2009

Deuil (1)

Je me sens poisseux comme une joue en larme. Les rampes en bois, le sol en plastique, l'écœurante crème étalée sur les murs, tout brille. L'hôpital est une peau moite.
« La morgue ? »
La femme en blanc me sourit, ce que je veux, c'est qu'elle ne s'approche pas trop.
A droite, un long couloir, puis encore à droite.

jeudi 8 janvier 2009

Quentin, Féclaz

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Le coup de feu était à 17 h.
Madame vrombissait de table en table, se trouvait un sourire commerçant, pestait.
Monsieur surveillait la manœuvre depuis le bar, un œil sur la crêpière, tendait une assiette ornée d'un monticule de crème chantilly en récitant :
« Mont Blanc »
Une vieille fille comme un long fil sec disposait avec précaution les tasses de chocolat fumantes et les théières sur le comptoir, Madame s’en saisissait sans fatiguer, braillait une commande pour la 3.
Et, lui, alors. Il n’avait pas vingt ans, des grâces de chamois. Il récupérait la vaisselle sale en petits tas sur un plateau et, disparaissant une minute dans le bout de cuisine où il était si seul, la rendait proprette et bien rangée. S’il cassait une assiette et une bouteille de jus de fruit, s’il répandait sur le carrelage du Salon de Thé quelque reste sucré du quatre heures d’un touriste, il ne rougissait plus, ni ne s’alertait. C’était le travail et il ramassait, presque souriant, nettoyait, balayait, puis versait le tout dans un bac en plastique de la commune. Sans hâte ni faiblesse.
« Il n’y a plus de Pago fraise, il n’y a plus de Pago fraise »
Dans la seconde, le gamin surgissait avec une réserve de Pago fraise, ACE, tout ce que tu veux.
Joyau de cette modeste maison, le môme était choyé par la patronne qui lui montrait le fonctionnement de la machine à café, la façon de tenir un plateau. Et moi qui n’avais alors d’yeux que pour ce qui brille, ce sont mes yeux que j’admirais d'abord sur le reflet d’un cuivre. Je caressais le prénom de Quentin, Quentin, ou bien le taillé-je à la mesure d’un amour impossible, je le croyais né pour ma couronne.
J’ai payé son dû à la patronne, j’avais encore du chemin, une heure et demi de montagne, jusqu’au chalet.
« Au revoir. A bientôt. Au revoir jeune homme. »
Et j’ai vu Quentin rougir.

lundi 5 janvier 2009

Poème (dans le) train (encore)

Je t’ai vu l’Auguste

A la toge de cailloux

Presque vif, presque nu


Tu exerces, encore,

Ton empire

Mais sur combien de cœurs de craie ?


Tu lèves en cette aube d’haleine

Ton droit buste et tes seins


Mais la douceur, garçon,

N’hésite pas :

La glaise

Entre mes mains la glaise

Ne sèche

Si tu jouis

samedi 3 janvier 2009

Poème (dans le) train

Aux regards d'hirondelles
Sans chemin vers l'Azur
J'aperçois magnifique
La frayeur de l'enfant

vendredi 2 janvier 2009

Je fais le zouam

Ici je voudrais jeter quelques textes, des photos. Le matériau d'un nouveau roman ? Des poèmes, des puzzles, des réflexions.

Rien de bien intéressant.