lundi 22 juin 2009
Fucking Féria (6)
jeudi 18 juin 2009
Fucking Féria (5)
« Pourquoi tu fais la tronche, ça ne va pas ? »
Je suis amoureux à cet instant, comment l’avouer. De toi joli danseur.
« Non ça ne va pas, j’en ai marre »
De cette musique pourrie d’abord, parce que le premier soir je m’en fous, le deuxième je me dis que je ne vais pas commencer à casser l’ambiance, le troisième Sardou, Patrick Sébastien, ça devient lourd. Et le quatrième je craque, je n’en peux plus, je fais la gueule. D’abord je suis fatigué, je me demande ce que je fais encore entouré exclusivement de zétéros. Le petit appartement que nous louons le temps d’une féria est un deux pièces délabré disposant d’une petite terrasse. La « chambre » est jonchée de matelas, de duvets tirebouchonnés, de vêtements en tas, de sacs dégueulant. Je m’y allonge tôt, ce soir-là, pendant que les collègues continuent l’apéro et, pour tester le voisinage sans doute, montent le son. Je ne peux pas dire combien m’agace cette programmation de tubes avariés, impossible de trouver le repos. Hier, je leur ai mis un morceau de guitare signé de ce superbe clown terrien, Marilyn Manson, pas non plus mon artiste préféré, ils n’ont même pas goûté. Ils se bousculent sur la terrasse, papotent en bouffant des poêlées de cœurs de canard avec des pâtes et j’entends reprendre en chœur, parfois, je ne sais quel inepte refrain. Mon vague à l’âme, mon amour qui s’étouffe, cela ne préoccupe que moi, mais après tout c’est une définition de la solitude. La solitude ontologique du Ouam. Je voudrais dormir, pour oublier, je ne parviens pas à dormir. J’entretiens malgré moi une petite flamme, elle chauffe à peine, en mon centre, j’ai physiquement l’impression de la protéger, un peu comme si tu étais entre mes bras ou sous mon regard ou juste à mes côtés et quiconque s’approche est un intrus.
« Qu’est-ce que tu fous Ouam, tu bois pas ? »
mardi 16 juin 2009
Fucking Féria (4)
Le torero Berrera, courageux, batailleur et fier, est dénué de la grâce garçonne d’un Castella. Son toro tourne sans envie autour de lui, dérouté, toujours, par le chiffon, mais ne renonçant jamais. Je suis celui qui de coups de corne en coups de corne, la tête baissée, raclant la piste et soufflant, haletant, désire souiller empaler ce petit corps trop raide. Je perds mon sang sur son poitrail et dans un geste plein de morgue, délaissant l’arme et la cape, il me montre son cœur, inexpugnable. A te courir après, damné danseur, je me perds en cette ovale, où est la porte, où est la sortie ? Je vais mourir. Je me sens ce toro là, victime d’une violence sans mesure, victime d’une ronde macabre.
Ou bien suis-je celui que l’ange Castella appelle, de sa voix de fausset, il est ce dieu scintillant que je veux embrasser. Je veux mourir sous sa main, qu’il m’embroche si bon lui semble ! Je ne sais si j’envie le survivant, ô Javier Conde jolie violette, ballerine aux mains douces, de ne pouvoir plus jamais espérer peser sur son vainqueur. Je veux que mon vainqueur se mouille à ma robe, se colore de moi, venga. Touche-moi. Je veux ta main sur mon dos, ton regard attentif, dominé par ma force, maîtrisé par la grâce. L’amour est ce moment de gloire. Il m'échappe.
mercredi 10 juin 2009
Fucking Féria (3)
Je ne retrouvai pas ma joie. Un peu de complicité amicale, des rires de viking autour d’une boutanche de pastis, percée sans doute, d’une andouillette achetée sur le marché de la Croix Rousse ou de quelque côte de taureau grillée et la pensée de cette rencontre avortée, impossible, me piquait le dos, me labourait l’échine. Ça parlait des femmes, parfois, ça cherchait en vain mon approbation, ça m’écœurait pour tout dire. Et puis surtout c’est les hommes que je voudrais bien comprendre. « Vous les pédés vous avez de la chance, c’est plus facile pour vous parce que vous savez comment sont les hommes ». Que puis-je répondre à cela. Que tous les jours je sors ma lanterne et que ce n’est pas si évident. Je pense à toi, à notre rencontre, hier soir. Aux adieux que nous ne formulerons pas.
La nuit dans les bodega, j’ai erré. Au milieu des beats et de la joie ambiante, balançait en moi la mélodie lancinante de ton absence. Je m’échinais, me tournais, je te cherchais partout. Chez Jany, aux Costières. Tu n’étais nulle part. Je tapais des pieds, grattais la piste, m'exaspérais. Une danse.
lundi 8 juin 2009
Fucking Féria (2)
Je ne sais ce qui nous a séparé, je suis capable de ce genre de décision bizarre. Nous avons trinqué encore, je suis allé rejoindre mes amis fêtards, ceux-là même qui auront, le lendemain, l’honneur d’une photo en page 9 du Midi-Libre. L’ambiance était au champagne, je l’ai déjà mentionné, l’énergie était communicative et j’étais euphorique, un peu aussi grâce à toi. Tu étais dors et déjà cette flamme muette, pas encore grelottante, chaleureuse au contraire et vive en moi. De loin, nous échangions de temps en temps un sourire, tu dansais si bien. Je sautais en beuglant les chansons consternantes que le DJ sans imagination de l’Espace Pablo Romero passait, une fichue fête et je te savais là. Combien de 51 dans l’après-midi, combien de bières, combien de flûtes de champagne. Je ne sais pas. Je t’ai cherché ensuite dans le coin ou tu te trémoussais, si léger, et ne te trouvant pas, je me suis taillé un passage dans la foule, j'ai sourit aux femmes avinées, bousculé les bœufs dont les gros culs ne se meuvent qu’à coups de coudes et de « pardon, pardon ». Tu étais au fond de la salle surchauffée, nous nous sommes à nouveau réunis une seconde, ah quel splendide sourire tu as eu. Mais tu étais avec tes amis, je ne savais pas si je pouvais t’approcher plus longtemps. J’ai loupé le coche. Mes amis me cherchaient, ils avaient décidé de filer place d’Assas, je les ai suivi. J’ai senti alors venir comme un effluve de cette tristesse, une mélancolie ? Qui ne me quittera plus.
mercredi 3 juin 2009
Fucking Féria (1)
J’étais à la recherche d’un regard, je suis toujours à la recherche d’un regard et au loin, j’ai eu le tien. Tu ne t’es pas détourné. Moi non plus. Et puis nous avons chacun continué à danser parmi la foule, dense. Bodega Pablo Romero, feria de Nîmes, mes amis se regroupaient alors à grand’ peine, je ne pensais déjà plus qu’à toi. La joie d’être ensemble bien sûr, la joie artificielle due à des performances picolatoires un peu hors normes, l’euphorie me gagnait et je redoublais d’énergie, jeudi, première soirée, champagne. Je lançai un doigt rageur et revendicatif lorsque ces espèces de ringards d’Aficionados mafieux voulurent nous faire communier avec une prière en espagnol. Mes amis, les lâches, rigolards pourtant, ne me suivirent pas, merde, nous n’étions pas dans une église. Une boîte à fric. Et nous avons dansé, je pensais à ce joli bout de garçon, je le regardais encore quelques fois et de nouveau nos regards se sont croisés, tu as souri. Je me frayai un chemin vers toi, genre c’est le hasard si, tiens, nous sommes côtes à côtes et c’est drôle, j’ai été surpris de te voir si près. Ce fut comme si tu m’accueillais, nous fûmes, quelque seconde, absolument seuls. Voyant ma flûte vide, elle ne l’était d’ailleurs pas tout à fait, tu y as versé un peu de ta bière. Nous avons trinqué. Puis dansé. Ensemble.