mercredi 30 septembre 2009

Un poème porno

Je te veux nu débordant d’amertume et la bave asséchée

Je te veux humilié sans vertu sans sourire et le cul galbé offert

Je te veux empalé

Je te veux sur mon vît

Je te veux mort

Je te veux moi

Fondu en moi

Fondu de moi

Ton amour grandiloquent s’étouffant en prières

Grâce, grâce,

Tu demandes et ce faisant

Me lacère

Ramenant à toi, pour toi, ma chair

Grâce,

Tu me veux nu les forces qui me quittent

Tu me veux planté dans toi

Tu me veux pantois

Tu me veux mort

Tu me veux moi

Fondu en toi

Fondu de toi


Notre amour s’élevant dans l’air sure d’une chambre celée.

mardi 22 septembre 2009

Bières

Une dernière, une dernière, comme si ces deux mots pouvaient ne pas être définitivement inconciliables. Pas se fiche de ma gueule. Ah le doux oxymore. Je connais. Que personne ne me prenne pour un bleu, je connais l’engrenage. Une dernière, une derrière, et pas mal d’autres. C’est une question de logique. Celle que les copains appellent une dernière, c’est celle de la bascule, toujours, et paf, je fais la fermeture. C’est souvent la troisième, j’ai remarqué. Après la troisième, c’est pas de limite, c’est je me ruine. Le cantonnier, là, qui s’accroche à son verre comme à un manche à ballet, le nez bombé comme un pépin de poire, la peau lunaire, tâchée par le vin, son sourire, cratère hilare et jaune, n’est pas fin, et ses mains boudinées, sa gestuelle grossière agacent le voisinage. Un militaire en perdition, qui n’avait ja- ja- jamais navigué, titube entre deux tables au moment de payer, il n’a pas un rond ce débile, il a une gueule de débile ce militaire. Une tablée, au fond du rade, rit. J’y reconnais deux comédiennes charmantes, un peu prout prout, trop gentillettes à mon avis pour jouer les tragédiennes. Pauvres connes. Oui, pauvres connes, et ce n’est pas parce qu’elles sont connes, je tiens à dire, qu’il faut me traiter de misogyne. Je suis pédé ce n’est pas pareil. D’autant que leurs mecs, les deux beaux petits gars que je mate comme un garagiste, je veux dire comme un salaud alcoolique, n’ont pas l’air bien futés non plus. Pour eux, leur petite gueule, leur cul, et certainement d’autres trucs que je n’ai pas vus, j’ai peut-être quelque indulgence, mais c’est juste parce que je suis encore un poil trop benêt, je crois encore que je vais pouvoir, enfin, voyez, leur mettre. Je me tourne vers les copains.

« Une dernière, patron, aller »

lundi 14 septembre 2009

Christophe, chez ouam

J’ai beau, je suis beau, oui, là maintenant je suis beau et j’ai beau mater, admirer, ah mais pourquoi ton ventre, sur le mien, au-dessus, se durcissait ainsi, je regarde cet homme, son ventre plat, je sabote mes jours en ne pensant qu’à lui: que ripe sur mon palais d’or son gland sec, en souvenir ses cuisses bandées me sont un collier, que glisse sur mes dents la langue de ce garçon à la peau brune, aux lèvres molles, je vois ce garçon, tous les jours, je voudrais bien, il me chevauche avec morgue, la morgue, le plaisir qu’il me donne, « oh putain mais tu le fais si bien, ça », je n’arrive pas à prendre tout, je veux tout le garçon, je le prends, je le brûle, ah et j’ai beau, je suis beau, j’ai beau, le regarder, le toucher, le griffer je ne peux le prendre tout entier, et il continue son manège, il joue, je ne le quitte pas, un de ses doux pieds nus me caresse l’oreille, vlan, vlan, que ces muscles chacun visibles sous moi m’émerveillent, je te veux putain je te veux tout entier, je te regarde, je te regarde ah que tes lèvres m’enchantent, tu es parti ? J’aurais voulu être amoureux de toi.

mardi 8 septembre 2009

Mon tour de passer (2)

La Loire, à certaines époques, est tout simplement infranchissable. Elle charrie dans son tumulte tant d’épaves, tant de bois flotté, tant de sable, aussi, que même le passeur intrépide d’antan hésitait quelques fois à transporter les gens de l’autre côté. Le passeur, vous connaissez le principe. Il faisait à quelque kilomètre en amont coulisser une large barge le long de deux câbles tendus au-dessus du fleuve. Madame Carmin m’a raconté qu’il y avait une coutume. Les voyageurs ne payaient qu’à l’arrivée et devaient mettre le prix de la traversée sous la langue, et gare à celui qui ne le faisait pas, il était fauché par un rondin ou ripait sur la barge, bref, il finissait dans l’eau, et sûr, il n’en ressortait pas. Combien de cadavres ont été enterrés dans le petit jardin de l’auberge, Madame Carmin ne sut pas me le dire et il n’y a jamais eu bizarrement de rapport de gendarmerie. Personne n’a entendu parler de ce tas d’os parce que, selon les pouvoirs publics, il y avait prescription. Et c’est pour cela qu’ils ont fait appel à un grand architecte, pour faire un grand et surtout un gros pont, ici, à cette place-là précisément. Non parce que si vous vous demandez ce qui peut bien justifier le contrepoids de 8000 tonnes de ce beau béton gris, hein ? Vous ne croyez tout de même pas que c’est pour la balade ? Car il faut bien des hommes pour faire tenir un pont entre deux rives, combien, à votre avis, pour un tel ouvrage ? Combien, pour qu’un poète les cheveux flottant dans le sillage du fleuve, les oreilles brûlantes et le nez cherchant un effluve de sauvagerie dans les méandres indociles, retrouve dans le voyage vers la rive, un peu de son rêve. Avec, peut-être, le goût métallique d’une pièce sous la langue. Le temps d’une traversée.

lundi 7 septembre 2009

Mon tour de passer (1)

(Texte lu sur le pont Berlottier inauguré sur la Loire cet hiver en compagnie des (h)auteurs)


Ce que beaucoup ignorent, c’est qu’à l’endroit même où nous sommes, autrefois, il y avait une petite auberge dont la spécialité de ragoût de cochon à la purée était reconnue. L’auberge Carmin était tenue proprette par une dame que j’ai rencontrée. Depuis qu’ils ont rasé son auberge, Madame Carmin vit dans un appartement en haut d’une tour de la banlieue. Ça la change. Mais elle ne se croit pas malheureuse, vous savez, une tour, on peut y voir un amas de béton, une trop forte concentration d’êtres humains, avec tout ce que cela comporte de désagréments, ou bien, on peut espérer aller voir les étoiles d’un peu plus près. C’est ce qu’elle m’a dit. Les tours, les basses, les belles, aussi bien que l’Eiffel, sont des ponts tendus vers les rêves. Elle a grand ouvert la fenêtre de son petit salon, et il n’y avait rien au-delà que le ciel nu et froid, de plus en plus froid. En haut des tours, les joues rosies, les narines écartées, les mains, eh bien, je ne sais pas, dans les poches. La chevelure déployée dans le grand vent des hauteurs. Je me suis vu rêveur. Je me suis vu tomber.

« Mais, le pont » me dit-elle pendant que je referme la fenêtre, « revenons à notre pont »

Ce pont est majestueux, je veux bien. Nombreux sont les badauds qui viendront s’ébaudir de ces deux flèches pointés vers l’Azur, de ces câbles monstrueux roidis telles les cordes délicates d’un violon, et pourtant comme dégueulés par de grandes orgues mutiques.

« Oui oui, c’est un très gros pont » répéta-t-elle.