samedi 21 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (13)


Cinquième jour
Un peu plus tard, je suis allé voir la terrasse du Salon bleu, une sorte de petit restaurant tenu par Philippe et Olivier, deux lyonnais qui tiennent aussi la maison d'hôte pour riche, le Dar Nour. Il faut dire que je me suis mis dans l'idée de les rencontrer pour les interroger. Ils ont sans doute de bonnes histoires du coin, et puis celle de leur installation ici me semble représentative de quelque chose de marocain. Et, donc, cette terrasse du Salon bleu m'a offert cette vue sur la médina et sur la baie de Tanger, vue que je fantasmais depuis l'Europe. J'ai pris beaucoup de plaisir à observer l'empilement des maisons, les couleurs changeantes et les murs abîmés, les antennes paraboliques, qui font aujourd'hui parties de ce genre de paysage, les toujours très seyants linges pendus. La large place, devant le boulevard Mohammed VI, marque, en une élégante virgule, la baie. Je perds mon regard sur les immeubles blancs, plantés à l'autre bout, puis sur la colline autour de laquelle s'agglutine encore d'innombrables maisons. La lumière se déplace, désignant chaque quartier, selon son bon vouloir, le doigt d'Allah. Mais j'ai froid, quand mon thé à la menthe ne me réchauffe plus. Trois fois le prix habituel, mais je ne regrette aucun dirham dépensé là.

Cinquième jour
Le musée de la Kasbah ne casse pas des barres. L'occasion de s'instruire, tout de même, sur l'occupation du site de Tanger depuis les chasseurs-cueilleurs jusqu'aux Alaouïtes, la dynastie régnante, en passant par les Portugais, auteurs des murailles actuelles. Et puis ma foi ce musée occupe un palais, dont il faut admirer les céramiques de la cour, les portes en bois multi-centenaires et enfin les sublimes plafonds en cèdre, finement sculptés, colorés, de véritables splendeurs.

jeudi 19 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (12)


Cinquième jour
Changement d'hôtel. Une chambre plus petite et plus sombre, mais plus accueillante et beaucoup moins chère. Recommandée par mon guide, et en fait, dès qu'il fera beau, j'ai l'impression que ce sera le meilleur emplacement, pas loin de la plage et tout près du marché des pauvres, souk animé, populeux et populaire, comme son nom pourrait l'indiquer. Ce marché en pente, ou il y a aussi une halle aux poissons hyper bruyante, borde la place du 9 avril 1947 et abouti à la rue d'Italie qui longe la Médina. C'est dans cette rue que je suis à l'instant, dans le café salon de thé l'Excelsior. Au milieu des Marocains lisant le journal ou discutant de sujets que je serais bien incapable de deviner. Et ce thé à la menthe que je bois par petites gorgées brûlantes me fait du bien. D'où je suis assis, j'observe les Marocains, en babouches sous la pluie intermittente ou, tel ce vendeur de pommes de terre désespéré, en face de moi, avec un sac en plastique sur la tête. Les femmes ont une raison supplémentaire de se voiler et les jeunes hommes ne perdent rien de leur vivacité. Je m'interroge sur les tenues de certaines paysannes, qui m'ont l'air de vendre un peu ce qu'elles peuvent. Des tissus rouges rayés de blanc, ou l'inverse, en plusieurs couches, et puis surtout ce chapeau de paille conique orné de rubans et de pompons violets. Une peuplade du coin, sans doute.

Cinquième jour
Je me suis souvent paumé ces quelques jours, à Casa ou à Tanger. Ce qui est sympa, c'est que c'était à Casa ou à Tanger. Ce qui est moins drôle, c'est que chaque fois, après avoir bien étudié mon plan, je suis allé dans la mauvaise direction et même je devrais dire la direction opposée. Je jure que cela ne me ressemble pas, j'ai du mal à comprendre ce qui m'arrive. Tout à l'heure, je suis allé à la Médina et au-dessus, la Kasbah. Un dédale inextricable de ruelles étroites, d'escaliers inégaux, de boutiques. J'y suis allé comme j'aime, bille en tête, m'enfonçant dans le labyrinthe à l'instinct. Et je n'ai jamais eu la sensation d'être perdu, je ne l'ai d'ailleurs pas été. J'ai donc vu la place du 9 avril 47, des rues blindées de commerces en tous genres, en montant jusqu'à une esplanade, devant le musée de la Kasbah. J'ai été alors par deux fois sollicité par des Marocains que je n'ai pas eu la force d'ignorer. Pas de malaise non plus, il suffit de se montrer ferme et de passer son chemin. Le plus insistant voulait vingt euros pour me guider, et il a même commencé à me montrer la maison de Paul Bowles et de Van der Truc, un mec dont j'avais déjà entendu parler mais dont le nom m'échappe, un milliardaire surtout connu pour ses milliards et je crois que c'est pour cela que je n'ai pas envie de rechercher son nom. Au bout de l'esplanade est une porte percée dans la muraille qui entoure la médina, et il est ici une station agréable, dominant le front de mer, le port en construction, l'avancée des bennes de rochers sur la mer, se frayant littéralement un chemin dans la mer – ou l'océan, comment savoir. Avec ce temps très humide, la vue n'était pas aussi dégagée que dans quelques jours, mais j'ai cru apercevoir Gibraltar, et l'ombre, peut-être d'Al Andalus. En compagnie de quelques indigènes mélancoliques, je suis resté planté là, le nez au vent. La compagnie silencieuse et humble des hommes est le baume du voyageur que je suis.

jeudi 12 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (11)


Quatrième jour
J'arrive à Tanger. La cosmopolite, l'interlope, la ville des écrivains, des peintres orientalistes, entre mer et océan. Surveillant le détroit de Gibraltar, elle serait elle-même un pont, qui relie l'Afrique à l'Europe occidentale. J'y entre un jour de pluie, je ne reconnais rien de ce que que j'avais imaginé. Le plan sommaire de mon guide ne correspond en rien à ce que je vois. Je pensais la gare routière adossée au port, et je suis incapable de trouver la mer. J'aperçois une mosquée, je crois que c'est celle du plan, mais pas du tout. J'en fais le tour, je suis dans un quartier très chic et chiant. Tout ça sous une pluie trépidante. Je retourne à la gare routière et là je m'arrête. J'essaie de me concentrer, de situer tous les éléments de ma carte, qui ne mentionne d'ailleurs que ce qu'elle veut. Je suis un peu désœuvré, sous la flotte, mon chapeau de paille dégoulinant sur les pages de mon guide. La lose. Un homme m'aborde, j'ai le réflexe de l'envoyer gentiment paître, mais il a l'air de s'en foutre, il a même l'air de se foutre de tout. Ce qui me plaît. Je lui souris, il finit par se présenter, Mohammed, « comme 80 % des Marocains » rigole-t-il. Mais moi ça ne me fait pas marrer parce que je me demande s'il n'essaie pas de caresser ma petite fibre raciste ordinaire d'Européen. Il me demande si j'ai un hôtel, je lui dis que oui, alors que non, il me demande lequel, je lui réponds Mamara, un qui est dans la rue la plus craignos de toute la ville. Il me conseille plutôt ce qu'il appelle la vieille ville, et bon du coup ça me fait hésiter car c'était mon premier projet, la vieille ville. Et là il me dit par là, c'est par là. Et pouf, il m'emmène, devient mon guide. Il m'emmène droit sur le pire hôtel de ma vie, le Holland, rue de Hollande. Super bien placé, une maison superbe, et des chambres aussi sympas que celles d'un asile psychiatrique. Éclairage au néon, carrelage antédiluvien repeint en bleu ciel, sur les murs. J'ai l'impression que je vais dormir dans une salle de bain, mais pas celle du Majestic, hein, plutôt celle d'un orphelinat d'une banlieue de Bucarest. Ceaucescu style. J'ai négocié le prix pour la meilleurs chambre en lui disant que de toute façon elle ne me plaisait pas et que si je la prends, ce ne sera que pour la nuit. 250 Dh, au lieu de 300. Mais en fait je crois que ça ne les vaut même pas. Du coup, j'ai laissé mon sac et j'ai dit à Mohammed, je te paye un coup quelque part. Lui ça ne l'arrangeait pas trop, il espérait un peu plus qu'un verre de café au lait, il a hésité. Puis il a commencé à me balader dans le quartier juif, c'était superbe, sauf que je flippais, et s'il avait des potes qui aiment trop l'argent, hein ? De coupe-gorges en coupe-gorges, je n'ai croisé qu'enfants jouant aux billes, boutiques animées de barbiers, de vendeurs de produits pour femmes, et pas mal de bonne humeur. Seul Mohammed semblait en deuil, les épaules basses, la mine lasse. Au coin d'un souk, il m'a proposé de boire un coup à une terrasse où j'ai tenté en vain de le faire parler. Je sais qu'il est berbère, divorcé d'une femme qui lui a fait trois enfants. Il est au chômage, depuis longtemps, et l'usine Renault qui vient de s'installer n'a pas voulu de lui. Mais il ne cherche pas vraiment de travail. Il en trouvera « si Dieu le veut ». Il espère que le Maroc va aller mieux, avec le nouveau gouvernement, les droits de l'homme, de la femme, c'est déjà un énorme progrès : « par rapport au temps d'Hassan II ». Puis il se lève, il disparaît dans le café tandis que j'ai terminé mon verre de thé à la menthe. « On y va ? » me propose-t-il, et j'approuve. « J'ai payé », ajoute-t-il et là je me dis qu'il est malin. Il me fait finir le tour qu'il avait commencé, il me dit, tu sais, tu peux donner un peu, mais c'est pas obligé. J'ai failli dire que ok, alors, si je ne suis pas obligé. Mais j'avais mis 50 Dh dans ma poche, pour lui, et je lui ai tendu. 

mardi 10 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (10)


Quatrième jour.
Tout à l'heure, quand le car est parti, je me suis fait la réflexion et s'ils avaient oublié de poser mon sac dans la soute. Car la CTM, Compagnie des Transports Marocains, enregistre ton bagage et se charge elle-même de l'embarquer. Mais je suis totalement rassuré. Il y est. C'est une certitude, et pour cause. Pour sortir de la rue Léon l'Africain où il était stationné, le car éprouvait des difficultés à s'insérer dans la circulation assez folle du boulevard des FAR (Forces Armées Royales), quand un jeune homme apparu sur la droite, beuglant et brandissant à bout de bras... mon sac. Juste à temps, donc.

Quatrième jour.
Dans les campagnes, ici, les baudets travaillent encore, tout comme les chevaux qui traînent des charrettes, conduites par des hommes debout. J'en ai croisé quelques-uns en plein centre de Casa, en fait il y en a beaucoup. Cela me rappelle un vieux laitier qui faisait sa tournée, à Angers, peut-être, dans la fin des années 70. A l'époque, c'était une curiosité. Ici, sur des chemins de terre rouge, des jeunes bergères vêtues de robes d'un bleu touareg luminescent mènent des troupeaux de vache. Au bord de l'étang, un berger plus âgé est assis auprès d'un petit garçon, les jambes allongées devant eux. Ils regardent les reflets sur l'eau de la beauté du monde. Où ils entrent sans bruit, malgré eux, par la porte des rois. 


lundi 9 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (9)


Quatrième jour
Sur le chemin de Tanger. D'abord, une traversée de Casablanca. Je suis toujours abasourdi d'apercevoir de la vie humaine dans des endroits où, en gros, je n'ai pas envie de m'attarder. Je m'étonne de ce que cette vie puisse ainsi se satisfaire du trou où elle est. Tout cela est très relatif, évidemment, Lyon est un trou en comparaison de Paris. Juste, on peut dire que Paris n'est pas un trou. Et là je suis à Casa, ou dans ses faubourgs. Je vois des gens qui sont ensembles, discutent, se touchent, rigolent. Des enfants qui sortent de l'école, empruntent une rue dont ils connaissent le moindre chaos, mais pas le nom. Des jeunes hommes en veste de cuir, sous cette chaleur, des jeunes femmes souvent voilées, ne me semblent pas pouvoir aimer l'endroit où ils vivent. Ce n'est pas un choix qu'ils ont, dans cet environnement urbain sans urbanisme, sans transport en commun, sans beauté autre que la leur. Les habitants de ces quartiers sans âme peuvent se sentir prisonniers, décidément, puisque à cette situation géographique, il faut ajouter, en fait l'une découle de l'autre, la situation sociale. Et si le sentiment d'avenir bouché, de conquête impossible, devrait sans doute être cause nationale en France, ici, le sentiment de défaite est un fléau d'une incroyable violence. Alors, comment le peuple marocain peut-il être si pacifique ? La religion, peut-être, qui régule pas mal de comportements sociaux, notamment envers les femmes, qu'on mate mais qu'on n'agresse pas – à moins d'être son mari. L'équipe de football, dont on est si fier, c'est important la fierté, c'est un bon substitut à la dignité. Et surtout le prix du pain.

Quatrième jour
Je traverse la plaine côtière, de Casa à Salé, en passant par Rabat. Puis, vers le nord, toujours en longeant le front de l'océan. Beaucoup de terres cultivées, un blé vert, du colza en fleur. Mais d'après Jeff, il ne faut pas s'y tromper. La pluie de l'autre jour était largement insuffisante. Et quand bien même elle eût été abondante, Jeff m'affirme que c'est trop tard, « les récoltes sont foutues ». Des paysans fauchent dors et déjà leurs champs pour nourrir le bétail. Les souks marocains, actuellement, proposent des oranges succulentes à 7 dh le kilo, des fraises charnues et sucrées pour 8 Dh. Des légumes frais triomphants, des monceaux de légumes secs, de la viande pendante aux crocs du boucher, beaucoup de poissons, sagement rangés... En apparence, le pays ne manque de rien. Sauf que la sécheresse sévit et l'été est encore loin. Jeff est fataliste sur ce point, alors, je me dis qu'il y a peut-être matière à s'alarmer.

vendredi 6 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (8)


Hier (troisième jour)
Je me suis perdu dans Casa. Un vrai délire, cette ville. Dénuée de points de repères, immense, diverse, les trottoirs défoncés, les ruines et les terrains vagues jouxtant les hôtels Sheraton ou les mosquées, toujours chéries et soignées, mais, je dois dire, pas envahissantes. Des travaux dans toute la ville rendent l'impression de décrépitude plus importante, le tramway. Un réseau de transports en commun ne sera pas du luxe, mais pour l'instant, c'est le plus délirant bordel qu'un aménageur puisse imaginer. Des places entières sont condamnées, avec des passages pensés pour les automobiles, et rien, mais alors rien, pour les piétons. Sur une place où se succèdent toutes les lignes de bus de Casa, il doit y en avoir six ou sept, pas un endroit prévu pour la circulation des piétons, ni même une aire sécurisée pour attendre le bus. Si bien que des milliers de Marocains se retrouvent ici entre les voitures, s'imposant à elles, au milieu des klaxons, dans la poussière, ou se réfugiant sur un chétif morceau de trottoir sablonneux, jonché de détritus et qui sent d'ailleurs la poubelle. Le nom de cette place ? Je suis in-foutu de le dire. Je ne suis pas certain que l'ensemble des Marocains que j'ai croisé ce jour-là aurait su me le révéler. Je n'ai pas trouvé de plaque indicative, mais sans surprise. J'étais perdu déjà depuis un moment, mon plan à la main, en pleine nuit, et je me désespérais de trouver une plaque de rue quelque part. Il y en a ici ou là, il faut avoir du bol, et que les rues ainsi reconnues soient aussi marquées sur le plan. Les Marocains sont très souriants et serviables, donc, il suffit de demander. Salam aleikoum, bonjour, pouvez-vous me dire où je suis ? « Maarif ». Oui oui, mais encore ? Connaissez-vous le nom de ce boulevard ? Non ? Bien bien bien. Et comment je fais, moi. Si on dit bien Cassaouite, ce gentil Cassaouite a tout de même réussi à participer à mon sauvetage. Tout droit tout droit, puis à gauche puis tout de suite à droite, tout droit tout droit, ce sera le Boulevard Mohammed V. Et je connais ce boulevard. Choukrane. Beslama.

Troisième jour
Des garçons des garçons, que ça, des quantités, beaux, glabres et bronzés, de quoi devenir dingue. Des numéros de téléphone en veux-tu en voilà, des rendez-vous, à 18 h, à 19 h 30, à 20 h, demain matin ? Maintenant ? C'est du pur délire. Je me doutais bien que ce n'était pas sur ma seule gueule et je me suis d'ailleurs rendu compte que ma phrase de présentation, sur le site de rencontre où je croise tout ces gazouillis (un masculin de gazelle à ma sauce, gazelle désignant ici, pudiquement, les femmes prostituées, les femmes à touristes et, au delà, les femmes sexys), n'était pas pour améliorer la chose : mon cynique « shopping and fucking », arboré sur le site de rencontre, était pour le moins ambigüe. Tous, peu à peu, ont abordé (et sinon je les ai aidés à le faire) la question du « pourboire ». L'un d'eux, qui m'a depuis donné son numéro de téléphone, s'est excusé en me racontant qu'il fallait bien payer le loyer pendant ses études. En fait, je pourrais n'écouter que mon désir de salaud, payer, une somme qui devrait être à peu près acceptable, et niquer, ou même faire l'amour, à un de ces jeunes hommes magnifiques. Non, c'est non. Je le ferai le jour où je voudrai m'avilir. Avec un pote, on louera une maison, chacun sa chambre.

Quatrième jour
Maman, je veux te dire un truc, je suis pédé.

jeudi 5 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (7)


Troisième jour.
Bon dieu de boulevard Zerktouni, qu'il est long. J'ai cru ne jamais trouver ce que je cherchais, un café qui propose la wi-fi. J'étais même prêt à me rabattre sur un Mac Do. Du coup, j'ai réussi à passer les messages que je voulais. Un rendez-vous à 19 h 30, dont j'espère un peu plus qu'une partie de jambes en l'air. Et je me tâte pour m'organiser un réveil agréable, avant de courir à la gare des voyageurs de la CTM, j'ai deux numéros pour cela, deux. Ah le Maroc, ah, l'internet. Bon, je me fais l'effet de faire exactement ce que je réprouve, mais dites, la chair est faible.

Grill 2011 : mot de passe du Café Carnaval, boulevard Zerktouni.

Premier jour.
Dès ma première visite, j'ai mal à un pied. Je boîte comme un imbécile derrière Jeff, qui file toujours un bon train, tout heureux, par exemple, de s'enfoncer dans Derb Ghallef, le souks aux mille échoppes et aux trafics en tous genres.

Deuxième jour.
J'ai mal aux deux pieds, maintenant.

Troisième jour.
Demain, je vais à Tanger, avec l'objectif de m'y reposer. Je me sens épuisé par les marches, par cette attention permanente qu'une ville nouvelle, et surpeuplée, me demande. J'aime ce sentiment d'être l'étranger, mais il me fragilise. Je suis vigilant à me fondre dans la foule, j'observe les Marocains, j'essaie de faire pareil. Pourtant, je sais que c'est marqué touriste sur ma gueule.

Quatrième jour.
J'ai petit déjeuné à l'hôtel. Pas mal, d'ailleurs, quand je pense aux horreurs que j'avalais à Madrid ou Athènes. J'ai même plutôt apprécié le pain au chocolat, qu'ils appellent mignonnement petit pain, très gras, mais avec bien peu de cacao et sans beurre. Me voici rue Léon l'Africain ou je bois un café en terrasse. En face de moi, un mur peint, comme je peux dire qu'il y en a beaucoup à Casa, de ceux qui cherchent à cacher un bidonville ou un marché. Celui-ci, je ne sais trop ce qu'il enferme. Je crois que c'est juste un terrain vague, étant donné la pauvre végétation qui dépasse. Mais ce terrain vague est protégé par un mur hérissé de tessons de bouteilles. Je sirote mon café. J'attends. C'est un de ces moments d'attente qui participent au voyage. Le serveur m'a amené un grand verre d'eau. Je souris. Ce qui me sépare d'une bonne gastro.

mercredi 4 juillet 2012

Mes carnets du Maroc : avant le Maroc (2)



 
Préparatifs 2
Deuxième jour, ou troisième ou vingtième, on est bien d'accord. La date du départ approche. Je me sens suspendu entre deux cieux. Dans un nuage, ou bien suis-je moi-même le nuage. J'ai du travail à avancer pour partir l'esprit libéré, donc je fais ce que je dois, ce que je peux, des expositions à visiter, des rendez-vous à prendre et j'ai rédigé déjà quelques articles, pour le journal qui m'emploie. Est-ce que je fais bien tout comme il faudrait, cette question butte sur un mur, ou plutôt la réponse à cette question semble s'éparpiller dans les nuées ou je flotte. Je sais que le 27 mars, c'est à dire dans quelques jours, je serai à Casablanca. On dit Casa. La maison. Et je ne sais pas encore où je logerai.

Préparatifs 3
Je crois que c'est ce qui me fait flotter, comme ça, cette incertitude fascinante, qui me terrifie, mais qui m'aimante tel un gouffre.
Je suis entre mon monde, celui ou je travaille, où je m'arrange pour fuir à la montagne, pour baiser de temps en temps, où je lutte jour après jour contre mes tendances à trop manger trop gras, trop boire trop de café, trop d'alcool et d'ailleurs cela me fait penser que je dois aller à la salle de sport, je ne vais pas développer sur ce point, j'ai payé l'inscription, mais je ne suis pas encore inscrit, un truc de couillon. Bref, je dois y aller avant le départ, sinon je perds tout, c'est à dire une année d'accès. Seulement je sens bien que même avec une inscription en bonne et due forme, je n'irai guère dans cette espèce de dojo qui pue les pieds. Bon, je disais... Je suis entre mon monde et un autre, entre le moi qui sait se gérer, par habitude, et un autre qui ne ressemble à rien, un moi qui se révélera le 27 mars, à Casa, lorsqu'il faudra se débrouiller.

mardi 3 juillet 2012

Mes carnets du Maroc : avant le Maroc (1)


Préparatifs 1.
Retour sur les préparatifs. D'abord, il n'y a pas de premier jour des préparatifs. Il y a une idée qui palpite pendant un an, une hésitation qui dure un an, sur le chemin, les endroits que je veux voir. Le Maghreb est-il une région attirante, je veux dire en dehors de ces sublimes garçons que j'ose imaginer trois quart nus sur les plages. La réponse à cette question est clairement oui, et d'ailleurs j'espère ne pas me transformer en cet horrible monstre velu qu'est le touriste sexuel. Commençons par l'Algérie, il se trouve que la littérature m'amène en Algérie, comme beaucoup de lecteurs, puis-je croire, grâce à Albert Camus. Rien que Camus, les ruines de Tipaza, l'étranger fumant son clope à sa fenêtre, ou encore le petit garçon qui se raconte dans Le Premier homme. Mais il n'y a pas que les livres, il y a les copains de classe, qui s'affichaient Algériens et cela me fascinait, me frustrait, parce que je n'avais rien d'aussi beau, de si exotique, de tellement spécial, à revendiquer. Et c'était une des raisons qui me faisaient m'exclamer ah oui mais vous êtes Français avant tout, c'était pour dire on est pareils. A l'école, j'ai eu un ami portugais, ça me faisait le même effet, j'étais hyper complexé. Et à postériori, ça m'énerve. Vous me faites tous chier avec vos miséreuses revendications identitaires de merde, je suis pédé, je vous ai emmerdé avec ça moi ? Pas le souvenir. Pourtant c'est un très beau pays la Pédérastie.
Bref.
Cette année j'ai écrit à un copain croix-roussien qui s'était installé à Tizi Ouzou, je crois, avec sa femme et sa petite. Il n'a jamais répondu. J'ai voulu communiquer avec François Beaune, l'écrivain, que je connais un peu, croix-roussien lui aussi, et qui fait le tour de la méditerranée avec des adresses tout le tour du ventre, pour son très sympathique projet de récolte d'histoires vraies... Lui non plus n'a pas répondu. Un peintre, lui, avait nombre d'adresses, et j'ai eu la bêtise de ne le contacter que tard, alors qu'il m'avait cordialement invité à le faire il y a des mois. Je me suis senti pressé par le temps, débordé par le nombre des démarches, effrayé, même. Si je veux vraiment aller en Algérie, il me faudra travailler un peu plus sur ce dossier. J'avais une envie particulière d'aller en Algérie. Je l'ai toujours. J'irai un jour.
Et dans mon programme il y avait le Maroc et la Tunisie. La Tunisie j'ai abandonné très vite parce que tout le monde m'a dit c'est horrible, c'est chiant la Tunisie. Propos de touristes, il faut relativiser. Moi je me suis dit, faut me limiter sinon je n'y arriverai pas. Notamment en terme de prix. Donc, reste le Maroc. Je pars le 27 mars à Casablanca. Je repars de Marrakech le 4 mai, direction Lyon.