lundi 22 février 2010

Mamie en vacances

Les vacances. Pour la dame aux pas feutrés, dont l'appartement n'est alors plus décoré que des photos de ses disparus, de quelques scories de noël qu'elle ne peut se résoudre à nettoyer, les vacances scolaires sont de longs tunnels de solitude. Elle n'attend plus la sortie de l'école, ce moment où elle a enfin un enfant, quelques heures, pour le goûter, les devoirs. Qui pourrait-elle attendre. Sur l'internet, elle contacte des jeunes hommes qui ne sont pas toujours très affables, avec les vieilles. Elle a eu l'opportunité de rencontrer l'un d'eux, un beau jeune homme, timide, dont les baisers fougueux, encore, la hante. Il tremblait entre ses bras, se lovait contre elle. En voilà un qu'elle croyait avoir un peu pour elle, le temps des vacances, il avait jouit si fort, sur son nez. Mais il tergiverse, maintenant. Elle ne se fait pas d'illusion. Elle doit rester seule, parmi ses chers disparus. Elle tricote, révise la numération, lit un livre jeunesse. Se rend à la Brasserie des Écoles, après la boulangerie et le marchand de journaux. Repère un enfant, lui sourit. Commande un thé russe, déballe une tarte au citron. Et attend.

mardi 9 février 2010

Tuer le garçon

Au bord de la fenêtre, encore, et guettant sur cet écran le signe d'une présence, notre dame suspend son tricot rouge.

Rouge, son tricot.

Il neige et gèle, à Lyon. Des milliards de petits nuages tombent et s'accumulent sur le trottoir, sous sa fenêtre, qu'elle ouvre en grand. Le goût de l'air froid.

Et sur la peau blanche inviolée, enfin, la tâche rouge, jetée. Elle croit ainsi se débarrasser du garçon.

Rouge, la tâche est rouge, sous l'aiguille enfoncée dans la neige.

mercredi 3 février 2010

Oh Dieu le garçon

Mamie prie, elle marmonne, dans la barbe qu'elle ne pense pas toujours à raser. Le dieu arachnéen qu'elle imagine chie une toile gigantesque et, surtout, depuis le cœur ionique, métallique, de son réseau, guette ses proies. Oh dieu ne t'acharne pas sur la pauvre dame qui te supplie. Ne la dévore pas tout de suite. Ne la digère pas. Mamie, prise, prie, marmonne et tricote. Un pull-over. Pour le garçon de l'internet. Eh petit frère, me répondras-tu, me feras-tu cet honneur, ce plaisir, ce réconfort d'un échange ? Un pull-over rouge, nous aimons le rouge, n'est-ce pas, c'est un de nos points communs. Eh petit frère, qu'aimerais-tu manger, je peux lui faire à manger, qu'est-ce qui te ferait plaisir. Du poisson avec du riz, c'est ça, c'est ce qu'il a dit, elle se rappelle, enfin, elle croit se rappeler, en réajustant sa robe de laine sur ses lourdes mamelles, et puis la bretelle de son soutien-gorge, qui avait glissée. Ses mamelles, si pesantes qu'elle ne peut se résoudre à les porter tout le temps, toute seule. Oh dieu, ne réduis pas encore cette flamme que tu as allumée. Je te fantasme, petit frère, dans mon lit, à ma table ou sur l'écran et c'est ce qui est léger, qui m'allège. Je veux croire un peu en la tendresse. Et le dieu qu'elle implore, Mamie, au coin de sa fenêtre, ce dieu est comme les autres, il ne répond pas.