mercredi 5 octobre 2011

L'interview de l'écrivain


« Bonjour, vous avez été élu l'auteur le plus romantique par les lectrices de Daily Dame, vous êtes traduit dans plus de 18 langues, le succès ne se dément pas.
- Bonjour, oui j'aime les histoires d'amour, c'est vrai, je n'écris que des histoires d'amour, si les femmes me plébiscitent, ce n'est pas pour rien, je crois.
- Pourquoi les femmes sont friandes de ce genre de littérature ?
- Parce que. Les femmes n'ont peut-être pas la vie qu'elles veulent, qu'elles ont pu espérer. Je crois.
- Pourquoi, à votre avis ?
- Parce que. Les hommes ne sont pas à la hauteur... Non, laissez tomber. Pardon. Pardon.
- Pardon ?
- Les hommes, les femmes, c'est l'éternel sujet, n'est-ce pas. Alors les femmes sont comme-ci, les hommes sont comme ça... Tout cela me paraît un peu vain. On raconte de belles histoires aux filles, on leur parle encore de princesse et de mariage, on leur dit que faire des enfants, c'est ce qui les réalisera en tant que femme. Elles croient ce qu'on leur dit, elles se marient, elles font les femmes accomplies quand elles ont enfanté, elles jouent leur rôle et après tout, ce doit être plutôt confortable, de savoir où on va. Et puis un jour, un jour, ce n'est plus ça. Elles savent qu'elles ont manqué quelque chose d'essentiel. Une vraie histoire.
- Et les hommes ?
- Les hommes. Les hommes. Je ne sais pas. Il y a ceux qui se sont mis à aimer leur confort, et peut-être leur femme, en tous cas leur famille, je pense que certains se complaisent dans leur rôle de gardien du troupeau ou un truc approchant...
- De gardien ? Du troupeau ?
- Oui, la famille. Et il y a ceux qui, au bout de cinq ans de mariage commencent à se dire, mince, les histoires qu'on racontait aux gamines, eh bien, en faits, elles n'étaient peut-être pas si bêtes, cinq ans avec la même nana, ça doit être la femme de ma vie, pas possible autrement.
- Dans vos romans, et singulièrement dans le dernier, Rachel, les maris délaissent souvent leur femme...
- C'est ça, c'est en tous cas l'impression que les femmes ont, d'être délaissées.
- Ce ne sont jamais les femmes qui délaissent leurs époux ?
- Non mais c'est des bêtises, les femmes, les hommes. Il y a bien la culture qui entre en jeu, et donc l'éducation, forcément sexuée. Le désir s'exprime comme il peut, il me sors par tous les trous, et je le canalise en cherchant à le nommer, à le diriger, avec les moyens de la culture. Par exemple, il est impossible de savoir, mais n'écrivez pas ça, hein, ce n'est pas intéressant. Il m'est impossible de ressentir ce que je ressentais... à l'époque... Comment dire. Le passé, je sais qu'il est possible de s'y installer, de se laisser séduire, parfois, tu es le serpent à sonnette, et les jolies histoires qu'on t'a raconté, c'est le fakir et sa flûte, ces jolies histoires, elles te désarment.
- Vous voulez dire que vous êtes hanté par votre passé ? Quelles histoires vous hantent ?
- Aucune, enfin, je crois. En tous cas pas celles que je raconte dans mes livres. Voyez-vous, s'il y a un écrivain qui n'est jamais autobiographique, ah ah ah ! Mais je me verrais bien changer tout ça. Je vais écrire autre chose, ce sera un peu trash, je vous préviens.
- Vous êtes resté assez secret, sur vous, sur votre passé...
- Oui mais c'est du passé, voilà, du passé. J'aime l'idée du passé comme une continuation du présent. Pas le contraire, hein. J'aime l'idée d'une histoire qui ne fait qu'un avec le présent, je voudrais que le présent ne puisse se concevoir qu'ainsi, en mouvement, en construction, donc aussi bien, l'avenir est de la même nature que le passé, ce sont des potentiels que le présent réalise. Je vous ennuie avec mes histoires.
- Non non !
- Si si ! Je vous comprends, mon histoire, c'est juste la moins intéressante du monde, c'est pour cela que je ne la raconte jamais. J'ai bien deux ou trois souvenirs sympas, des beuveries, des rigolades, des vacances, avec les copains…
- Racontez-voir...
- Les copains. On avait décidé de s’inscrire en fac de Droit pour devenir avocat, juge des enfants, président de la République ou je ne sais quoi. Nous mangions, chantions, rigolions, discutions mais pas tant que ça de politique, on était ensemble. Ouais, sûr que c’était le temps de l’amitié. Seulement il y avait un hic. Un point de détail, comme dirait l’autre, je vivais une histoire, secrète, qui m’est aujourd’hui une souffrance et qui se jouait au quotidien pendant cette grande époque. Un drame que je ne ressentais pas comme tel, peut-être parce qu’il ressemblait tellement au bonheur ?
- Vous voyez bien que vous avez vécu des choses spéciales...
- Non mais rien de très spécial.
- Alors, de quel drame parliez-vous ?
- J’aimais. »