samedi 30 juin 2012

Mes carnets du Maroc (6)


Deuxième jour.
Alors que j'écris dans mon lit clic clac, j'entends la pluie redoubler dehors. C'est une excellente nouvelle pour le Maroc. Et pour le roi. Car si j'en crois les sévères inquiétudes de Jeff, il n'a pas plu depuis plus de trois cents jours ici. Ce qui veut dire pas de blé. Ce qui veut dire augmentation du prix du pain. Ce qui est proprement impossible. Il faudra donc au roi trouver la capacité d'emprunt nécessaire à la compensation de cette hausse. Et même chose pour le pétrole. Attention, risque d'émeutes.

Troisième jour.
La poudre d'escampette. J'ai annoncé que je prenais le bus pour Tanger et Jeff m'a conduit ce matin jusqu'à la gare CTM, compagnie nationale de bus. Je lui ai fait mes adieux, je suis entré dans la gare. J'ai étudié mon guide, j'ai hésité. J'ai pris mon billet pour Tanger, le car de demain, 11 h.
Hein ? Quoi ? Demain ?
J'ai en effet pris une chambre dans un hôtel en plein centre de ce qu'on appelle la Nouvelle ville de Casablanca. Un quartier déliquescent, blindé d'immeubles Art Déco en voie d'extinction. On pourrait s'en attrister, mais ce n'est pas désagréable. Les rues sont animées, défoncées, des restaurants snacks succèdent aux pharmacies, aux épiceries, aux échoppes de traducteurs assermentés, j'ai vu une cristallerie, des magasins de fripes... L'hôtel est tout à côté de la CTM, ce qui me sera bien utile, demain. Personne ne sait ou je suis. J'ai l'impression de jouer un bon tour à tout le monde. Cela me confère une liberté, un sentiment de liberté, assez grisant. J'ai bien l'intention d'en profiter un peu. Il faut que je trouve une wi-fi, ce serait plus facile, pour entrer en contact avec... Enfin, avec des Marocains quoi.

vendredi 29 juin 2012

Mes carnets du Maroc (5)


Deuxième jour.
Au fait, j'ai activé mon téléphone arabe. J'ai acheté une puce 20 dirhams à Derb Ghallef. Mon numéro IAM est le 0654985743.

Premier jour.
1er mars 1967, Jeff s'installe avec sa femme au Maroc.

Premier jour.
Sa vie, à Jeff, c'est beaucoup de mouvement. Des envoyages en l'air, mais des vraies, avec sa femme, ils ont pratiqué la voltige aérienne. Tu saisis quel genre de femme elle était quand tu aperçois une photo d'elle hilare, sortant d'un appareil de voltige. Comment disait-il déjà ? Un... dos au sol ?
Puis Jeff s'est passionné pour la moto, et plus encore, je crois, pour la piste. Les chemins, la poussière, les cailloux. Si bien que je crois pouvoir dire qu'il est un des plus grands spécialistes de rallye désertique au monde. Je suis un peu impressionné en écrivant cela, je me trouve pompeux. Mais je crois que c'est la vérité. Il trace les itinéraires du LYBYA, de l'Amitié. Il est un ami de Cyril Neveu, il a bossé avec René Metge et Jean-Louis Schlesser. Il a soixante-dix-sept ans, je le rappelle, et aujourd'hui il fait encore les reco (comme il dit), les road-books, commissaire de course, et vas-y qu'il rédige des réponses au ministère de la culture marocain, et vas-y que l'agence de communication du Rallye de l'Amitié l'appelle pour connaître son sentiment...

jeudi 28 juin 2012

Mes carnets du Maroc (4)


Premier jour.
Lui qui dit ne pas aimer la foule, Jeff semblait heureux de parcourir les souks surpeuplés où il m'a emmené : « Et encore, là, il n'y a personne » me précise-t-il en jubilant. Ce sera en effet pour moi le souvenir marquant de mes débuts au Maroc. Derb Ghallef. Tu circules dans un dédale de venelles où tu peux à peine croiser quelqu'un. Entre tes jambes, une rigole est creusée pour les jours de forte averse, et les boutiques se succèdent. Une boutique, il faut savoir, cela commence à partir de trois mètres carrés... Il y a le coin des téléphones, où tu peux tout trouver à des prix que tu n'espérais pas, il y a le coin des ordinateurs, où Jeff a acheté le sien pour six fois moins cher qu'en supermarché. Il y a le souk de l'ameublement, les plus vastes espaces du marché, le souk des tapis, les souks de tout et n'importe quoi, tu y trouves tous les dvd, même ceux qui ne sont pas encore parus, les logiciels qui te manquent, des télés, des bicyclettes, des réparateurs de tout, des postes de radio, des chaînes hifi... Et tout cela dans la bonne humeur : « c'est un peuple qui rit beaucoup » me dit Jeff, et il adore, il sourit à tous les gens qu'il croise. Ce que je remarque, tout autant, c'est leur activité, les Marocains bossent beaucoup, ici. De jeunes hommes sans diplôme démontent, réparent, remontent des boitiers bourrés de haute technologie, d'autres (ou les mêmes) transportent de la marchandise, un menuisier s'opiniâtre, un marchand discute...

Premier jour.
A midi, Jeff me dit d'aller sur la banquette arrière et de me cacher. Il est membre de l'athlétique club, un grand parc loué par la France, où les expatriés se retrouvent pour jouer au tennis, au hand-ball, faire de l'équitation, de l'escalade, plein d'activités... Lui est membre de la section gym, une salle de sport ou il va se dépenser deux heures par jour, et de la section tennis où, si j'ai bien compris, il ne va plus guère. Peut-être que c'était leur truc, avec sa femme. Chaque section a son club-house et il y a, pour tous, deux restaurants autour de deux piscines. C'est là que nous mangeons, après un tour exhaustif du parc, et la rencontre d'un modéliste à la puissance de travail et l'habileté assez étonnantes. Avec Jeff, nous mangeons des brochettes et des frites, tandis que je l'interroge. Il me raconte un peu sa vie.

mercredi 27 juin 2012

Mes carnets du Maroc (3)


Premier jour
Je parlais d'une porte des rois, jeff m'a ouvert la sienne. Elle est modeste et usée par les ans, c'est la porte de chez lui. Il m'a accueilli aussi bien qu'il a pu, m'a invité à manger, m'a baladé partout dans Casablanca. C'est pourtant un homme de soixante-dix-sept ans, d'une énergie folle, mais occupé à d'autres tâches que de faire la visite à un touriste. Il n'a compté ni ses heures, ni ses kilomètres.
Première étape, son appartement. Il habite sur la colline d'Anfa, non loin de la plage, et tout près de l'Hôtel d'Anfa où se réunirent, autrefois, Churchill et Roosevelt, pour décider de la date du débarquement allié en méditerranée. Et pour réconcilier, vaine ambition, le général Giraud, représentant de Vichy en Afrique, avec De Gaulle. Bref. Même s'il ouvre sur le consulat d'Algérie, que la villa du roi n'est pas très éloignée, en témoigne la présence constante et discrète de dizaines de soldats en livrées, l'habitation de mon hôte est modeste, voire simple, autrement dit, agréable. Dans la voiture, en y allant, je ne comprends pas s'il me dit que sa femme nous attend ou si elle est absente. J'apprends plus tard qu'elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer et pensionnaire d'une maison spécialisée à Rabat. C'est la blessure bavarde de Jeff. Je le sens bien, il est perdu sans elle. « Je paye pour tous les plaisirs que j'ai pris dans ma vie ».
A mon arrivé, il me propose de manger un peu et il se trouve que j'ai très faim. Des tranches de pain de mie frais dans un café noir. Puis il me dit j'ai des messages, je suis très occupé en ce moment avec mon road-book. Alors je pense, ce doit être une sorte de journal de route tout en soupçonnant d'autres implications. En tous cas, je sens l'homme inquiet, préoccupé. N'empêche, lorsque j'ai terminé de manger, il prend ses clefs : « Viens, je t'emmène faire un tour ». 

jeudi 21 juin 2012

Mes Carnets du Maroc (2)


Deuxième jour
Sur l'esplanade de la grande Mosquée. Le gigantisme, le marbre, le toit ouvrant, en cèdre, magnifiquement ouvragé, les mosaïques traditionnelles, les lustres en verre de Murano, l'édifice, aux trois-quart sur la mer, tout ceci n'est pas aussi impressionnant qu'il pourrait. C'est mon hôte Jeff, qui m'en faisait la remarque hier, cette mosquée, malgré un minaret de plus de deux cent mètres, est massive (ça c'est moi qui l'ajoute) mais « plutôt bien proportionnée ». Elle s'impose, attire l’œil, mais n'humilie pas celui qui l'admire. Du moins est-ce mon sentiment.
Pour combien de rois, fins et fiers Marocains en pantalon de jogging, en jean's usés, la tignasse et la peau nègres, je ferais ouvrir, moi, les longues et lourdes portes des rois... De titane et de laiton, mesurant, au bas mot, une vingtaine de mètre de haut, les portes du roi de la mosquée Hassan II pèsent plus de 34 tonnes. Ce sont elles qui écrasent.
La petite histoire, c'est que la mosquée Hassan II a été construite par Bouygues pour le roi dont elle porte le nom – le père de Mohammed VI, l'actuel souverain. C'était une personnalité assez fabuleuse, d'une culture et d'une intelligence que seule égalait sa cruauté. Admirable, séducteur, donc, il était aussi le garde chiourme et l'assassin de ses opposants. Malgré tout, sa mosquée, il fallait au moins s'attendre à ce qu'il en suive la construction, pas à pas. D'après Jeff, qui a travaillé dans ce chantier, et n'a d'ailleurs pas été payé, il y a eu une première bouture, de plus de vingt mètres moins haute. Le vieux souverain n'en a pas apprécié les proportions : soit le minaret était trop haut, soit la nef principale était trop petite. Il l'a donc fait rehausser pour atteindre soixante mètres. Mais... Il me faut évoquer mon arrivé à Casablanca. Un homme respectable m'y attendait, hier, figure blanche et attentive dans l'encadrement d'une fenêtre de son énorme 4x4.


mardi 19 juin 2012

Mes carnets du Maroc (1)


Premier jour
le stress du départ est monté pendant, je dirais, une, voire deux semaines. Le paroxysme pourtant n'est pas atteint. Je sais pacifier, feutrer mon inquiétude. Je sens en revanche la tension électriser mes muscles, et c'est bien fatigant.

Premier jour
Le départ. Je suis dans l'avion et je me force un peu à écrire. Je suis plutôt heureux d'entendre de l'arabe depuis les hauts parleurs. Je remarque une foule bigarrée dans la cabine. Beaucoup de Marocains, mais pas que. Des personnes seules, oui, j'ai l'impression. Peu d'entre elles, probablement, resteront plus d'une semaine au Maroc.
On décolle entre chien et loup, on clignote de partout, l'accélération est terrible. C'est l'aube et soudain, je ne touche plus terre.

Premier jour
Je survole l'Espagne, comme un symbole. Après avoir visité Vega, Villafranca del Bierzo, Madrid et Barcelone, hop, saute-mouton au-dessus de la péninsule ibérique.

dimanche 10 juin 2012

Jaune

Allez donc voir par si j'y suis.

Il s'agit de photographies signées Boris Naudin choisies et agencées par Eva Galiano, dans le cadre d'un projet de livre-couleur. Le texte est écrit et lu par Ouam. La vidéo a été projetée le 8 juin sur un mur vide de la galerie l'Attrape Couleur, à Lyon, au bord de la Saône, pendant une lecture du collectif des (h)auteurs.