Premier jour
Je parlais d'une porte des rois, jeff
m'a ouvert la sienne. Elle est modeste et usée par les ans, c'est la
porte de chez lui. Il m'a accueilli aussi bien qu'il a pu, m'a invité
à manger, m'a baladé partout dans Casablanca. C'est pourtant un
homme de soixante-dix-sept ans, d'une énergie folle, mais occupé à
d'autres tâches que de faire la visite à un touriste. Il n'a compté
ni ses heures, ni ses kilomètres.
Première étape, son appartement. Il
habite sur la colline d'Anfa, non loin de la plage, et
tout près de l'Hôtel d'Anfa où se réunirent, autrefois, Churchill
et Roosevelt, pour décider de la date du débarquement allié en
méditerranée. Et pour réconcilier, vaine ambition, le général
Giraud, représentant de Vichy en Afrique, avec De Gaulle. Bref. Même
s'il ouvre sur le consulat d'Algérie, que la villa du roi n'est pas
très éloignée, en témoigne la présence constante et discrète de
dizaines de soldats en livrées, l'habitation de mon hôte est
modeste, voire simple, autrement dit, agréable. Dans la voiture, en
y allant, je ne comprends pas s'il me dit que sa femme nous attend ou
si elle est absente. J'apprends plus tard qu'elle est atteinte de la
maladie d’Alzheimer et pensionnaire d'une maison spécialisée à
Rabat. C'est la blessure bavarde de Jeff. Je le sens bien, il est
perdu sans elle. « Je paye pour tous les plaisirs que j'ai pris
dans ma vie ».
A mon arrivé, il me propose de manger
un peu et il se trouve que j'ai très faim. Des tranches de pain de
mie frais dans un café noir. Puis il me dit j'ai des messages, je
suis très occupé en ce moment avec mon road-book. Alors je pense,
ce doit être une sorte de journal de route tout en soupçonnant
d'autres implications. En tous cas, je sens l'homme inquiet,
préoccupé. N'empêche, lorsque j'ai terminé de manger, il prend
ses clefs : « Viens, je t'emmène faire un tour ».
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