jeudi 25 mars 2010

Prière à un jeune homme

Du pain, donne-moi du pain
Du pain dopant putatif hâtant le symptôme de merde noire
Du pain putain
Dupe un cerveau primitif / mes gargouilles / les soulage
Du pain, supplique, sans épines

Du pain de campagne et des fleurs

lundi 22 mars 2010

La fleur de l'âge

D'abord les pétales du haut. Un à un. Puis la jupe, les bas, la culotte. La peau est lourde, comme détachée des muscles et les muscles sont lourds, aussi, fins, mais lourds. Elle se voit dans l'émaille de sa baignoire. Qui s'emplit d'eau chaude. Les os ronds. Le nombril s'affaissant. Le sexe froid, entrouvert. Timide elle introduit un doigt, puis deux, n'en espère rien, dans la fente entrebâillée. Comment imaginer que ce millefeuille rose. Était une porte.

lundi 15 mars 2010

La douleur

"J'ai percé la peau, l'ai creusée, tatouée de runes et je me suis accroupie, j'ai baissé ma culotte et j'ai pissé sur la plaie. La plaie du monde, la terre de mon jardin. J'ai appelé l'esprit absent, traîné mes fesses dans la boue, piaulant tel un crime. J'ai voulu exprimer au monde, en le souillant, toute mon horreur. Mon horreur. Je veux bien mourir."

mercredi 10 mars 2010

Au jardin

La terre est dure aujourd'hui. Froide et dure. Mon persil s'effondre, il a tenu tout l'hiver, il s'effondre au pied du figuier, tu as vu. Oui, c'est un figuier, tu mangeras ses fruits, cet été, plus qu'il n'en faut. En septembre, quand elles tombent.
Qu'est-ce que tu fais pendant les grandes vacances, tu sais déjà ? Tu vas à la mer ? Tu n'allais pas plutôt en Bretagne, toi, les années précédentes, oui, c'est la Bretagne. Donc c'est l'océan, pas la mer. L'océan, c'est plus grand, il y a des vagues, la mer c'est la méditerranée, ce n'est pas pareil. La méditerranée, elle est bleue, et puis c'est le chemin vers l'Afrique, tu prends le bateau à Marseille. T'as jamais pris le bateau, toi. Si ?
Viens on rentre, ici, c'est pas l'Afrique.
J'ai hâte, petit, tu sais. D'aller creuser la terre de mon jardin. Mais non, morveux, je n'y ai pas caché de trésor, ou, enfin... Qu'est-ce qui te fait penser ça.

lundi 8 mars 2010

La fin de l'école

La main osseuse, les veines bleues gonflées, la chair absente, la chair. Surprenant, cette main, qui bouge, l'index noueux, l'ongle sec et blême. La main de la dame se referme sur la poignée du cartable. Le petit garçon reste interdit. Le croissant lui laisse du beurre sur les lèvres. La dame sourit. 
"Tu as pris ton cahier de maths ?"
Il secoue la tête, lâche une miette et, ça y est, il commence à parler. Le petit bonhomme est vert, on traverse. La foule des enfants s'étiole, il y a des parents partout dans les rues. Mamie passe devant la brasserie des écoles, elle y reconnait deux ou trois vieux, pathétiques, seuls avec leur théière blanche. L'œil lunaire, lorgnant les petites silhouettes joyeuses, craignant leur joie et la désirant plus que tout. Tiens, et si elle lui offrait un diabolo, au môme. Il continuera à raconter ses vacances. Elle boira une bière.

lundi 1 mars 2010

Mamie fait son marché

Mamie se dirige vers le boulevard, elle traîne un cabas en toile de jute. Sur la place de la Croix-Rousse, elle s'arrête. Les enfants piaillent autour du carrousel, c'est dimanche, la fin du marché. Le petit soleil éclot, perce nuage, mamie est en gilet, silencieuse, patiente. Deux petits garçons se disputent au pied de la statue de Joseph-Marie, ils s'arrachent les vêtements, se griffent, tombent à terre, mamie n'en perd pas une miette, et c'est une espèce de clochard juste sorti de l'hiver, grisé, recouvert de pulls et de vestes, qui les sépare. D'une voix jeune, claire, l'homme demande un peu de savoir vivre, enfin, vous n'avez pas honte. Demain soir, mamie doit faire réviser la numération à l'un d'eux. Celui qui avait le dessus, dans cette jolie rixe, celui qui a la joue striée, marquée par les doigts de son camarade, pas celui qui aura une grosse bosse sur le crâne. Notre dame se fait discrète, se cache derrière le manège et les admire, encore, entre les oreilles d'un cheval de bois ou sous le ventre d'une baleine volante. Les deux mômes se regardent de biais, avec de la haine, et elle, elle s'énamoure. Ce petit gars, décidément, a bien des ressources. 
Le spectacle écœurant d'une maman et d'un papa ébaudis détournent son regard. Ils portent une fillette en larmes jusque sur un vaisseau spatial, elle a déjà essayé le bus, la voiture dingo, mais ce qu'elle voulait, elle, c'est le vaisseau spatial. Elle hurle alors même qu'elle obtient ce troisième tour, sans doute prépare-t-elle un autre caprice. Mamie s'éloigne, jette un œil vers la statue. Son petit gars a disparu. Ne reste que le petit loser, qui se frotte le cuir chevelu en chougnant. Elle shoote un petit caillou, l'envoie valdinguer dans les roues d'une voiture. Et va faire la fin du marché, comme prévu.