lundi 9 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (9)


Quatrième jour
Sur le chemin de Tanger. D'abord, une traversée de Casablanca. Je suis toujours abasourdi d'apercevoir de la vie humaine dans des endroits où, en gros, je n'ai pas envie de m'attarder. Je m'étonne de ce que cette vie puisse ainsi se satisfaire du trou où elle est. Tout cela est très relatif, évidemment, Lyon est un trou en comparaison de Paris. Juste, on peut dire que Paris n'est pas un trou. Et là je suis à Casa, ou dans ses faubourgs. Je vois des gens qui sont ensembles, discutent, se touchent, rigolent. Des enfants qui sortent de l'école, empruntent une rue dont ils connaissent le moindre chaos, mais pas le nom. Des jeunes hommes en veste de cuir, sous cette chaleur, des jeunes femmes souvent voilées, ne me semblent pas pouvoir aimer l'endroit où ils vivent. Ce n'est pas un choix qu'ils ont, dans cet environnement urbain sans urbanisme, sans transport en commun, sans beauté autre que la leur. Les habitants de ces quartiers sans âme peuvent se sentir prisonniers, décidément, puisque à cette situation géographique, il faut ajouter, en fait l'une découle de l'autre, la situation sociale. Et si le sentiment d'avenir bouché, de conquête impossible, devrait sans doute être cause nationale en France, ici, le sentiment de défaite est un fléau d'une incroyable violence. Alors, comment le peuple marocain peut-il être si pacifique ? La religion, peut-être, qui régule pas mal de comportements sociaux, notamment envers les femmes, qu'on mate mais qu'on n'agresse pas – à moins d'être son mari. L'équipe de football, dont on est si fier, c'est important la fierté, c'est un bon substitut à la dignité. Et surtout le prix du pain.

Quatrième jour
Je traverse la plaine côtière, de Casa à Salé, en passant par Rabat. Puis, vers le nord, toujours en longeant le front de l'océan. Beaucoup de terres cultivées, un blé vert, du colza en fleur. Mais d'après Jeff, il ne faut pas s'y tromper. La pluie de l'autre jour était largement insuffisante. Et quand bien même elle eût été abondante, Jeff m'affirme que c'est trop tard, « les récoltes sont foutues ». Des paysans fauchent dors et déjà leurs champs pour nourrir le bétail. Les souks marocains, actuellement, proposent des oranges succulentes à 7 dh le kilo, des fraises charnues et sucrées pour 8 Dh. Des légumes frais triomphants, des monceaux de légumes secs, de la viande pendante aux crocs du boucher, beaucoup de poissons, sagement rangés... En apparence, le pays ne manque de rien. Sauf que la sécheresse sévit et l'été est encore loin. Jeff est fataliste sur ce point, alors, je me dis qu'il y a peut-être matière à s'alarmer.

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