jeudi 19 juillet 2012

Mes carnets du Maroc (12)


Cinquième jour
Changement d'hôtel. Une chambre plus petite et plus sombre, mais plus accueillante et beaucoup moins chère. Recommandée par mon guide, et en fait, dès qu'il fera beau, j'ai l'impression que ce sera le meilleur emplacement, pas loin de la plage et tout près du marché des pauvres, souk animé, populeux et populaire, comme son nom pourrait l'indiquer. Ce marché en pente, ou il y a aussi une halle aux poissons hyper bruyante, borde la place du 9 avril 1947 et abouti à la rue d'Italie qui longe la Médina. C'est dans cette rue que je suis à l'instant, dans le café salon de thé l'Excelsior. Au milieu des Marocains lisant le journal ou discutant de sujets que je serais bien incapable de deviner. Et ce thé à la menthe que je bois par petites gorgées brûlantes me fait du bien. D'où je suis assis, j'observe les Marocains, en babouches sous la pluie intermittente ou, tel ce vendeur de pommes de terre désespéré, en face de moi, avec un sac en plastique sur la tête. Les femmes ont une raison supplémentaire de se voiler et les jeunes hommes ne perdent rien de leur vivacité. Je m'interroge sur les tenues de certaines paysannes, qui m'ont l'air de vendre un peu ce qu'elles peuvent. Des tissus rouges rayés de blanc, ou l'inverse, en plusieurs couches, et puis surtout ce chapeau de paille conique orné de rubans et de pompons violets. Une peuplade du coin, sans doute.

Cinquième jour
Je me suis souvent paumé ces quelques jours, à Casa ou à Tanger. Ce qui est sympa, c'est que c'était à Casa ou à Tanger. Ce qui est moins drôle, c'est que chaque fois, après avoir bien étudié mon plan, je suis allé dans la mauvaise direction et même je devrais dire la direction opposée. Je jure que cela ne me ressemble pas, j'ai du mal à comprendre ce qui m'arrive. Tout à l'heure, je suis allé à la Médina et au-dessus, la Kasbah. Un dédale inextricable de ruelles étroites, d'escaliers inégaux, de boutiques. J'y suis allé comme j'aime, bille en tête, m'enfonçant dans le labyrinthe à l'instinct. Et je n'ai jamais eu la sensation d'être perdu, je ne l'ai d'ailleurs pas été. J'ai donc vu la place du 9 avril 47, des rues blindées de commerces en tous genres, en montant jusqu'à une esplanade, devant le musée de la Kasbah. J'ai été alors par deux fois sollicité par des Marocains que je n'ai pas eu la force d'ignorer. Pas de malaise non plus, il suffit de se montrer ferme et de passer son chemin. Le plus insistant voulait vingt euros pour me guider, et il a même commencé à me montrer la maison de Paul Bowles et de Van der Truc, un mec dont j'avais déjà entendu parler mais dont le nom m'échappe, un milliardaire surtout connu pour ses milliards et je crois que c'est pour cela que je n'ai pas envie de rechercher son nom. Au bout de l'esplanade est une porte percée dans la muraille qui entoure la médina, et il est ici une station agréable, dominant le front de mer, le port en construction, l'avancée des bennes de rochers sur la mer, se frayant littéralement un chemin dans la mer – ou l'océan, comment savoir. Avec ce temps très humide, la vue n'était pas aussi dégagée que dans quelques jours, mais j'ai cru apercevoir Gibraltar, et l'ombre, peut-être d'Al Andalus. En compagnie de quelques indigènes mélancoliques, je suis resté planté là, le nez au vent. La compagnie silencieuse et humble des hommes est le baume du voyageur que je suis.

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