J’habite à quatre kilomètres du bourg. Mon correspondant allemand cumule, il est obèse, avec des culs de bouteilles sur les yeux, des couilles énormes parfois sorties de son short et des réflexions consternantes sur toutes sortes de sujets. Ma copine Karine, celle qui devient ma bonne copine Karine, est hébergée dans la maison d’à côté. Le hameau est une sorte de lotissement moderne au milieu des champs et les adolescents, dont je suis, se retrouvent pour discuter, rigoler dans l’unique rue, autour de leurs vélos. Mon niveau d’allemand n’est pas suffisant pour que nos conversations soient fluides, nous faisons tous des efforts, des sourires, de grands gestes. On s’apprend les mots « salope » (ça veut dire « tchüss »), « bite » (« bitte »), « archlohr » (« trou du cul »), « je t’aime ».
Marcus éprouve beaucoup de plaisir en ma compagnie, il me le dit. Je baisse la tête, je n’ose lui répondre. Je crois qu’il comprend que je l’aime bien surtout le jour ou nous allons en petit groupe à la piscine de Scheinfeld. Je caracole en tête, sur mon vélo, ce doit être la première fois, parce que j’imagine son doux regard sur moi. Au passage, nous péchons deux ou trois autres français, mes copains, d’accord, et cependant trouble-fêtes. Les groupes se forment alors par affinité de langage, je vais être éloigné de Marcus toute l’après-midi. Mais je ne me rends compte de mon erreur qu’une fois passés les vestiaires. Lorsque je le vois. J’ai honte de moi, de mon gros ventre. Je passe mon temps, ensuite, à le désirer, je croise son regard timide quelques fois.
« Tu viens nager ? » me demande Karine et je crains qu’elle n’ait perçu ma petite mélancolie, ma gêne.
« Je ne me sens pas bien, je vais faire une sieste »
Du coin de l’œil, je détaille Marcus. Sa peau brune me sape. Il est allongé sur un drap de bain, les hanches saillantes, les cuisses larges. Le bras tombant sur son magazine, inanimé, pourtant dessiné de ses jeunes muscles ronds, jusque devant son ventre à peine ourlé de délicieux bourlets. Son slip bleu moule son sexe, au repos, qui pointe vers son nombril et je peux deviner une toison adolescente, aussi noire et délicate qu’une aisselle, au-dessus. Je l’admirais au bord de l’eau, ne souriant pas, malheureux d’être aussi évidemment le sujet de tous les désirs. Il est à l’autre bout de la piscine, il va plonger. Il me regarde, il semble triste, j’ai honte.
« T’es con tu devrais y aller ça réveille »
Karine s’essuie joyeusement, cette fille est joyeuse. Je ricane.
Avant de partir, je revois Marcus, il me fait promettre de lui écrire. J’en rougis. Rentré en France, je lui écris. Il ne répond pas.
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