mardi 26 janvier 2010

Mamie tchatte

La dame tchatte avec un garçon, chaque jour, vers 20 h, elle loupe le journal à cause de ça. Elle boit une tisane au miel. C'est un beau garçon, qui a laissé une jolie image, la photo de son dos, ses fesses, sur le site. En rougissant, dit-il. Et puis des photos de son visage, qui est si doux.
"Je suis allé voir une expo je suis super fatigué.
- Je comprends, petit frère, et elle était bien cette expo ?
- Bof, j'ai trouvé un peu sommaire."
Mamie croit que son sourire se voit dans ce qu'elle écrit. Mais il se voit, d'ailleurs, il suffit d'être attentif.
"Raconte, tu es allé où, au Grand Palais ?
- Oui, c'est assez oppressant.
- Oppressant?
- Oui."
Elle se fait peut-être des idées mais elle croit que ce garçon est gracieux. De la grâce, il a l'air de posséder de la grâce. Ses intérêts pour le théâtre ou la littérature ou les expositions parisiennes sembleraient démontrer chez lui un désir d'élévation, de mouvement. Mais Mamie se souvient que c'est un garçon.
"Et tu y est allé avec ta petite amie ?
- Non, ce n'est pas ça
- Je suis jalouse, j'y serais bien allée avec toi
- Mais on ne se connait pas Mamie"
Voilà. Un instant plus tôt son cœur voltigeait à des hauteurs stupéfiantes, et puis la sécheresse soudaine du garçon la fait chuter. Elle sent physiquement l'impact, le choc sur les tomettes de son salon. Elle chute et ne trouve plus de mot. Comment lui dire, elle n'a pas cherché à le connaître, ce garçon. Est-ce qu'on se connaît un jour, de toute façon. Elle voulait passer l'écran. Rencontrer un homme. Je te fantasme, toi que n'ai pas encore touché. Je te fantasme aussi, eh, petit homme, que j'ai caressé, caressé, que je voudrais caresser encore, longuement, se verra-t-on enfin, me donneras-tu ta nuit ? Ma propre mère est un fantasme, pourtant je la côtoie depuis, euh, je ne vais pas dire mon âge. Ce que nous croyons connaître de l'autre, c'est notre désir qui se projette, je te fantasme fin, joli, je te fantasme doux.
"Tu comprends Mamie, il faut faire la différence entre le virtuel et la réalité.
- Mais, petit frère, il n'y a pas de différence de nature entre la fiction que j'écris à partir des informations que tu me laisses sur la toile et celle que j'écris lorsque tu es dans mes bras. C'est toujours mon imagination qui travaille. Tu n'es toujours, pour moi, qu'un fantasme, un beau fantasme, je t'assure. Qu'est-ce que tu en dis ?
- Il manque le quotidien, les odeurs, la voix, les ronflements.
- Zut, comment tu sais que je ronfle ?
- Dsl, j'ai mis du temps à te répondre, je suis absorbé par la télé, je vais me coucher maintenant. Bisous Mamie."
Bisous.
Et Mamie alors. Se relève. Elle sait qu'il manque la peau. Elle chute. Elle a du sang dans la bouche.

5 commentaires:

  1. J'ai toujours dit qu'il vaudrait mieux bourrer la bouillie des vieux de Lexomil. Ca éviterait bien des soucis.

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  2. Elle a bien raison Mamie, moi je préfèrerais chatter avec un garçon que regarder le journal.

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  3. Une mamie qui chatte ! Je vais vraiment finir par croire qu'Internet est trop permissif ;-)

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  4. Beaucoup, beaucoup trop permissif. Y'a qu'à voir ce blog ;-)

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  5. Je ne vois pas, j'ai écrit une mamie qui chatte et non la chatte à mamie. Pas encore.

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