mardi 29 juin 2010

L'arbre de Jeanne (au parc du Vallon, la Duchère, à Lyon)

Jeanne a de bien jolis atours, un chemisier et des sandales du même gris d’un ciel d’automne, une jupette aussi légère, et colorée, qu’un doux printemps.

Dans le quartier on la connaît, ce qu'on dit d’elle, et de ses cuisses, et de ses cuites.

Mais que sait-elle des ragots, en cette si belle soirée, Jeanne sourit à tout le monde.

Dans le bus 44, tout à l’heure, pour éponger sa cuite matinale, elle s’est gavée de chips au paprika. En claquant les petits paquets pour faire comme des pétards. Et puis de bonbons rouges, roses, multicolores.

Elle a laissé par terre une canette de bière vide qui roulait au gré des soubresauts du voyage, dans l'allée centrale du 44.

Au hasard de ses pérégrinations, elle entre ici, tout à l’heure. Sur son chemin, si long, si loin, les fleurs d'un lilas blanc l'émerveille, elle s'arrête et le sent. Jeanne titube et s’ensorcelle, elle a des grammes dans le sang, mais elle chantonne à présent.

J’ai dans la tête tant d’esprits,
D’âmes cornées, de fêtes mortes,
Qu’un bel été emportera.
Sous la moiteur et les rayons
De fer et d’ambre du soleil
Mon beau platane est tamaris.

...Et sycomore. Pin parasol, baobab, palétuvier. Son beau platane aux feuilles changeantes, comme de larges mains caressant, au-dessus d’elle, l’horizon et la lumière.

Son beau platane, frère des autres, au pied duquel, un instant, elle se console. Jeanne se sent lasse, et sale, et vile, et belle aussi, car Jeanne est jeune, elle pousse encore, comme elle le peut, sur ses deux jambes, et tous les jours. Elle se console, ici, au pied de l’arbre.


jeudi 17 juin 2010

Un bouquin de Serge Rivron avec Nilda Fernandez, Tim et Sim...

Bon ce n'est pas pour dire et puis surtout chut, ne parle pas pour ne rien dire parce que ça, ça c'est le pire. Je suis parti pour écrire, je n'ai pas écrit une ligne. Rien ne m'est venu. Rien. J'ai lu de bons bouquins.

Par exemple, celui de Serge Rivron, Octobre Russe, qu'il a auto-édité. Et je n'arrive pas à écrire un truc valable, ou au moins à peu près lisible, sur ce bouquin. Serge Rivron est un mec un peu spé, si vous voulez mon avis, spé comme spécial, pas spécieux, hein. Il se balade en URSS, euh, non, c'est la Russie, déjà, à l'époque. Il suit un de ses potes metteur en scène qui a des bons plans par là-bas. Pour y jouer le rôle d'administrateur, ce qu'il sait apparemment très bien faire, mais c'est surtout pour lui l'occasion de visiter le pays de Staline, Brejnev et Tchernenko, l'occasion d'un tête à tête avec Lénine et de boire des litres et des litres de bonne vodka. Outre le récit, au jour le jour, de ses pérégrinations, de ses rencontres avec les Russes ou les expat', tout à fait passionnant, Serge Rivron se lâche ici ou là dans de monstrueux et saints moments d'énervement. Le genre de page qui effraye l'éditeur, paraît-il.

"... Pendant que les bambins extraient du coffre les commissions, ils se préparent à jouer le rôle de mari parfait qui allume le barbecue en fredonnant Le temps des cerises, ou cet air de Manu Tchao qui leur fout toujours le feu aux tripes... Putain, ils se disent, il faut absolument que j'écrive quelque chose sur Che Guevarra dans mon bouquin (...) ! et ils alignent les gambas sur la grille même pas nettoyée, mais c'est pas grave parce qu'hier c'était des dorades, Sandriiiiine ! tu penseras à nettoyer la grille après le repas (...) !"

Aaaah que c'est bon, ça soulage, j'adore, je bois du petit lait. Mais attention, le Rivron, quand il est parti, il est parti, il t'en fait deux pages, et c'est à la fois tordant et incisif. 

"Tout bouffis des douze premiers feuillets du brûlot démoniaque qu'ils sont en train d'oser, ils te toisent des grandes hauteurs où ils atteignent, surtout depuis que leur copain Francis qui bosse pour la chronique jazzifère du Monde leur a laissé entendre qu'il n'avait jamais rien lu de meilleur, coco, t'es en plein dans l'actu, faut vraiment que tu finisses, Bataille, Sartre, Camus, Bernanos et la guerre, ça revient en plein au centre des préoccupations du moment (...)"

Ah oui, visés ici, les "institutionnels de la Culture". Mais ailleurs, la police, les politiques...

Donc, un petit conseil, tu cliques ICI, c'est le site de Serge Rivron, et tu cherches un peu, tu dois trouver comment commander Octobre Russe, (auto)édité chez Pluton, un bon moment de lecture.