vendredi 18 novembre 2011

Enfance, profonde

En ce printemps pluvieux s’épanouit la fleur comburante. Mes sublimes Van’s bleues électriques donnent des signes de fatigue, elles pompent l’eau des flaques avec un chuintement qui manque de classe. Dernière sortie pour elles, j’en ai peur. Les trottoirs luisant sont déserts, je traîne les lambeaux blancs de mes jean’s et ma musique jusqu’à l’arrêt de bus Opéra. Non, je ne me balade pas avec du plastique dans les oreilles, je chante. Je chante, je pense à toi. J'ânonne des airs improvisés. Je ne saurais autrement te susurrer ces mots d’amour, irradiants, piquants, puissants, qui me sont autant de shoots violents et des appels, y’a quelqu’un ? Eh y'a quelqu'un ? C’est presque comique, je connais des gens qui croient qu’il y a « toujours quelqu’un », une sorte de foi que je n’ai pas, pourtant je ne peux m’empêcher de chercher à sentir ta présence, non loin, ton sourire, ta confiance. Dans les transports en communs, je croise la stupeur magnifique d’une petite troupe d’adolescentes, un homme à la grâce involontaire qui les toise, la touchante fatigue d’une vieille dame qui, peureuse, se détourne. Tandis que je m’éloigne du centre de Lyon, avachit sur un siège, le paysage s’abîme, s’effrite et la vitre du bus, striée de vergetures translucides, me glace le front. L’orage s’énerve, je me sens bien au milieu de ce maelström hypnotique, je chantonne, je dois faire l’effet d’un fou à mes quelques compagnons de voyage mais qu’importe. Et si l’un d’eux, lui, le garçon, venait à me reconnaître, à aimer le petit air récurrent qui s’installe autour de moi ? Il se poserait, précautionneux, sur le siège libre, pour m’écouter. Je chante pour lui. Ou bien pour ce petit garçon qui n’a pas peur de s’étonner, de l’autre côté de la vitre, nous nous regardons un instant. Il courrait en riant, il s’arrête, le temps de ce curieux échange. Combien de fois ai-je ainsi rencontré un peu plus que le regard d’un môme, tiens, le sourire me gagne. J’aime apercevoir ainsi, par exemple sous la pluie, au coin d’une rue ou d’un jardin, ces petits animaux de désirs. Je me souviens le feu sous la peau, sous les sourcils et la tignasse brune, dans le K-Way froissé, dans les bottines. Je le sais, seul en moi le sentiment de toi saurait imiter ce juvénile embrasement. Encore quelques arrêts.

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