vendredi 15 février 2013

Mes carnets du Maroc (60)

Trente-cinquième jour
Premier mai. Un syndicat a installé un podium place Moulay Hassan, à l'entrée de la vieille médina. Des chansons saucissonnent en boucle, à plein tube. Tremblants sur les enceintes et trônant en plein centre de la scène, deux photographies encadrées, sous verre et sur des chevalets. Un des personnages, en noir et blanc, est probablement le fondateur du syndicat. L'autre est le roi.des drapeaux du Marc flottent de part et d'autre. Il est vrai qu'ils sont rouges. Et des flics en tenue de propre papillonnent, plus nombreux que les ouvriers, et même que les touristes. Les ritournelles treès parti Communiste des années 70 ont dû faire fuir tout le monde. La rumeur de ce refrain, que je perçois depuis l'endroit où j'écris, devrait suffire à me la mettre dans la tête pour la journée.

Trente-cinquième jour
Ballade jusqu'au bout de la plage. Un No man's land où le sable fin se déguise en désert de dune. Un Oued s'y forme, qui change de courant au gré des marées, remonte jusqu'à un pont, menant à un village, Diabat, sur sa colline. Des pas de dromadaires et de chevaux dans le sable mouillé, démontrent sans doute que l'endroit est fréquenté par les hommes bleus, les Touaregs, de passage après de longues traversées du Sahara. Non je déconne. Cela démontre
juste que les touristes que tu croises ici sont le plus souvent à dos de cheval ou de dromadaire. Pas l'ombre d'une méharée par ici, et d'ailleurs, peu d'ombre. Un magnifique garçon ultra bronzé, me poursuit un peu. « Jolie Jaquette » m'avait-il abordé, dans la ville. Puis, il me repère sur la plage, « eh ! Tu me reconnais ? ». Il loue des fauteuils en plastique, il me rassure, viens me voir, c'est gratuit pour toi, on discutera. Et moi je n'ai pas envie de discuter. J'étais au début de ma ballade, je lui dis d'accord, peut-être, au retour, et ce faisant je ne pouvais m'empêcher d'admirer son torse glabre et noir. J'ai continué de fantasmer ce garçon pendant la marche et au retour, en m'approchant des fauteuils verts dont il a la charge, j'avais la gaule. Mais je ne tenais pas plus que ça à subir de nouvelles avanies, et je l'aperçois de dos, draguant deux Européennes. Je passe mon chemin.

Trente-cinquième jour
J'arrive au niveau du port juste au moment des défilés. D'abord celui de L'UMT (Union Marocaine des Travailleurs), qui traîne derrière lui une centaine de militants sous la bannière du PC. L'ambiance est revendicative, sans violence, plutôt morose en fait, policiers et militaires disposés de part et d'autre. C'est le syndicat majoritaire chez les pêcheurs. Ils ont d'ailleurs un local sur le parking du port, où ils avaient élevé une tribune. Je n'y ai vu personne prendre la parole, mais ils donnaient à plein une sono à peine croyable, des airs d'accordéon grésillant dans les transistors, des interventions enregistrées tirées d'archives du PCF des années 50, on aurait dit que les 78 tours avaient repris du service. Un rassemblement plus populaire, en tout état de cause, que le défilé qui venait juste d'un peu plus loin, de la place Moulay Hassan, celui de l'UGTM (Union Générale des Travailleurs Marocains). Une grande blague, avec le portrait du roi en tête de cortège, et dedans des gens bien proprets, coiffés de casquettes blanches. Rappelons que le roi est un des plus gros employeurs du pays. Un air de ballade dominicale, ce cortège, pas loin de ce qu'avait voulu le maréchal Pétain lorsqu'en rendant ce jour chômé, il avait voulu récupérer l'événement. Enfin, même si les apparences ne jouent pas en faveur de l'UGTM, n'accusons personne ici de pétainisme.

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