mardi 29 juin 2010

L'arbre de Jeanne (au parc du Vallon, la Duchère, à Lyon)

Jeanne a de bien jolis atours, un chemisier et des sandales du même gris d’un ciel d’automne, une jupette aussi légère, et colorée, qu’un doux printemps.

Dans le quartier on la connaît, ce qu'on dit d’elle, et de ses cuisses, et de ses cuites.

Mais que sait-elle des ragots, en cette si belle soirée, Jeanne sourit à tout le monde.

Dans le bus 44, tout à l’heure, pour éponger sa cuite matinale, elle s’est gavée de chips au paprika. En claquant les petits paquets pour faire comme des pétards. Et puis de bonbons rouges, roses, multicolores.

Elle a laissé par terre une canette de bière vide qui roulait au gré des soubresauts du voyage, dans l'allée centrale du 44.

Au hasard de ses pérégrinations, elle entre ici, tout à l’heure. Sur son chemin, si long, si loin, les fleurs d'un lilas blanc l'émerveille, elle s'arrête et le sent. Jeanne titube et s’ensorcelle, elle a des grammes dans le sang, mais elle chantonne à présent.

J’ai dans la tête tant d’esprits,
D’âmes cornées, de fêtes mortes,
Qu’un bel été emportera.
Sous la moiteur et les rayons
De fer et d’ambre du soleil
Mon beau platane est tamaris.

...Et sycomore. Pin parasol, baobab, palétuvier. Son beau platane aux feuilles changeantes, comme de larges mains caressant, au-dessus d’elle, l’horizon et la lumière.

Son beau platane, frère des autres, au pied duquel, un instant, elle se console. Jeanne se sent lasse, et sale, et vile, et belle aussi, car Jeanne est jeune, elle pousse encore, comme elle le peut, sur ses deux jambes, et tous les jours. Elle se console, ici, au pied de l’arbre.


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