Comment jouer encore du Shakespeare, le problème est souvent rédhibitoire, pour une jeune compagnie. Pas pour Eric Massé, qui s'est ici laissé mener à Macbeth par son désir de metteur en scène, rien que son désir. Et il a eu raison. D'abord, Eric Massé est arrivé à une maturité de style qui lui permet sans doute d'imprimer sa marque, même à un classique aussi monumental. Dès les premiers instants, on reconnaît, pour s'en réjouir, la patte de l'artiste. Un étonnant manège anime toute la première partie de ce sombre Macbeth. C'est une sorte de tourniquet à plusieurs branches, qui introduit à mon goût comme un peu de cirque, dans le jeu des comédiens, obligés de s'adapter au dispositif. Mais il y a le personnage de Macbeth, le jeu extraordinaire de Manuel Vallade et sa présence explosive. Sa diction, très urbaine, ai-je envie de dire, ce ton à la fois tonitruant et traînant, désabusé comme par nature. Il est bien des moments, je l'avoue, ou j'ai vu venir l'ennui, à Valence, lors de la première, et j'ai souvent aussi pu m'ébaudir du charisme épatant de ce comédien, dont le verbe et l'énergie illuminent la scène pendant plus de trois heures : notamment dans quelques scènes formidables, comme la scène de transe avec les sorcières, sur les percussions spectaculaires de la fort gracieuse Yi-Ping Yang. Lors de la première, à Valence, j'ai été témoin du débriefing de Manuel Vallade avec le metteur en scène. Le comédien doutait de plusieurs scènes, il se plaignait de ne pas avoir trouvé le rythme, il disait « ne pas y être ». Et je dois dire qu'il pointait les moments les plus ennuyeux de ce spectacle, précisément ceux qui me posaient problème. Je ne sais si Eric Massé a pris en compte ces remarques, je l'ai entendu rassurer son comédien, c'est vrai que Manuel Vallade est splendide, on ne peut décemment l'incriminer. Quant aux interventions drôlatiques de Xtatic, aka Xavier Picou, extraordinaire slameur qui ne me paru, à aucun moment, ridicule face à la prose du maître, c'est peut-être en nous proposant ses flamboyantes interventions, coupant le rythme et l'atmosphère de la pièce, que le metteur en scène nous a si souvent obligé à nous re-concentrer sur les intrigues... je me suis perdu quelques fois, mais est-ce vraiment la source de mes bâillements ? Bref. Même si son Macbeth manque parfois de rythme, avec son culot, sa belle scénographie, son excellente distribution, Éric Massé a su créer des moments de théâtre assez denses, de belles images sombres et violentes, qui restent.
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