Sixième jour
Je calcule qu'il me reste trente-deux
jours au Maroc. Le transport ne coûte pas bien cher, si j'en crois
ma première expérience. Disons que je peux ignorer pour l'instant ce poste de dépense. Je vais compter une moyenne de 220 Dh par jour
pour le logement, sachant que je ne paye que 180 Dh où je suis.
Selon un calcul (savant), à partir de 15000 Dh de budget, j'ai presque
honte de le dire, il me reste environ 6500 Dh pour tout le reste,
bouffe, blanchisserie, thé à la menthe, et les petites arnaques où
je pourrais tomber. Il me faudra peut-être aussi acheter des
vêtements, par exemple, s'il continue à faire froid.
Sixième jour
Je crois tout de même sentir la
déprime des Marocains. Au Gran Café de paris, dont le mobilier et
l'ancienne élégance témoignent d'un passé brillant, les figures,
pour n'être pas inamicales, sont fermées. Tu les vois sourire
lorsqu'ils se croisent, qu'ils se touchent, ils touchent beaucoup, et
tendrement, sans ambiguïté, et c'est d'ailleurs pourquoi
ils se touchent. Bien sûr, ce que je raconte est valable entre
hommes, entre femmes, pas entre les deux sexes, je soupçonne que
c'est une des raisons de leur déprime.
Événement, j'ai l'impression, une
femme vient de rentrer seule au Gran Café de Paris, et ce juste au
moment où j'allais faire la remarque que les femmes en étaient
totalement absentes. Elle s'est d'ailleurs à peine assise, elle a
jeté des coups d’œil partout, qu'elle fuit.
J'ai vu des femmes radieuses,
aujourd'hui, sur le boulevard Mohammed V, le long de la plage.
Presque toutes voilées, au bras d'un homme. Je peux très bien
imaginer que certains couples se sont formés dans une des boîtes
de nuit qui se côtoient le long de ce boulevard. Lui intimidé, mais
fort et prévenant, elle indépendante, gracieuse, les cheveux libres
et provocants. Le couple, formé, n'ayant évidemment jamais fauté,
cherche ensuite l'approbation de la famille et très vite, vient
parader ici, la femmes enfin voilée, d'un joli tissu orné de
dorures, l'homme, lui, ne changeant rien, arborant seulement un air
de contentement et de fierté. Elles sont belles ces jeunes femmes et
je ne me sens pas le droit de juger leur sors peu enviable. Qu'elles
vivent, et voient.
Cette façon qu'elles ont, tout de
même, ici ou en France, d'entrer tout sourire dans la souricière.
Non non mais ça y est j'ai émis un jugement.
Je réfléchis, cette impression
positive que me donne le peuple marocain, au-delà des airs
tristounes que je notais tout à l'heure, est probablement dû à sa
vitalité plus qu'à sa bonne humeur. A sa jeunesse.
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