jeudi 24 janvier 2013

Mes carnets du Maroc (58)

Trente-quatrième jour
J'ai écrit un petit mot pour Martine et Pascal. Mais qui sont donc ces gens. Deux Lyonnais, me dit-on. Qui ont envoyé des objets à des jeunes hommes du désert. « Bonjour, tu es Français ? De quelle tribu ? » Brahim et Jamel, que je sois de Lyon, cela semble les éclater. « Comme nos amis ! ». Martine et Pascal leur a envoyé des objets, je ne sais quoi, peut-être des médicaments, ils cherchaient à les remercier et ne savaient pas écrire. J'ai donc, sous la dictée de Brahim, écrit, une lettre à ce couple de Lyonnais, pendant que le très charmant garçon me déballait toute une partie de sa marchandise. Oui de sa marchandise, au sens propre. Pendant que Jamel faisait le thé. Très heureux de la lettre, ils m'invitent ensuite à une fête, ils y joueront de la musique et boiront bière et mahia jusqu'à plus soif. « J'aime beaucoup ton t-shirt, si tu veux le troc ? » « Ou si tu as paracétamol ». Alors pour les médicaments, j'ai promis de regarder, je dois en avoir dans ma trousse de toilette. Pour la mahia, j'ai été tenté, mais, Brahim, est-ce que je n'aurais pas la tentation de te sauter dessus, sous l'effet désinhibant de l'alcool de figue locale. C'est un risque que je ne veux pas prendre.
Trente-quatrième jour
Je n'arrive pas à lâcher ce petit vendeur de plein de trucs, et notamment des tapis. Saïd est un bien triste Monsieur, très seul, peu estimé, ce me semble, dans sa rue et son quartier. Les touristes achètent parfois chez lui, mais souvent, de son propre aveu, par compassion. Je suis d'ailleurs en train de réfléchir à l'achat de deux ou trois tapis, ce qui me mènerait un peu loin, au niveau des dépenses, mais voilà, je me dis que je dois des petits cadeaux à ma mère, à ma soeur, et je me verrais bien aussi employer un tapis pour tête de lit, chez moi, pour me changer de ce mur froid (et moche). Pourtant, Saïd est plein de ressources, vraiment pas bête, au courant à peu près de la marche du monde, grâce à la télé, grâce à son sens du contact, discret et amical. Un bonhomme, je crois, Saïd. Il m'emmène faire des courses, les souks où il navigue sans la plus petite hésitation – mais le contraire eu été surprenant, n'est-ce pas. Puis nous passons dans son café berbère, plus animé que la dernière fois, peuplé de vieux, de petits garçons et de jeunes hommes. Hichem, le plus désirable de tous, et de très loin, est l'homme à tout faire, ici, et par exemple, c'est à lui que Saïd confie nos courses. Ensuite nous allons boire une bière, achetée dans un boui-boui suragité. Un des rares à vendre de la l'alcool, probablement le seul, en fait, à des kilomètres, et nous y allons au moment de la cohue de fermeture. Des petits taxis larguent leur clientèle devant la porte, un jeune homme costaud règle la queue devant le magasin, sauf qu'à l'intérieur, c'est encore la guerre pour s'imposer et commander. Saïd a cette force, il ne se fait pas remarquer, sitôt entré, il se faufile et réussit à commander, deux pils. Que nous allons siroter dans un jardin au pied du rempart, un endroit sympathique et calme, envahi de poubelles. Nos canettes et sacs plastiques vont d'ailleurs s'ajouter à ce grand n'importe quoi, Saïd m'assurant que « quelqu'un va ramasser », ce qui n'est pas le plus probable, mais je me satisfais de cette réponse. De toute façon, je ne connais pas de poubelle à Essaouira, et même nulle part au Maroc. Où suis-je tombé sur des poubelles publiques, j'ai l'image de poubelles, quelque part... peut-être à Marrakech. Je n'ai jamais su quoi faire de mes emballages, détritus, je me suis fais des sacs plastiques que j'ai laissé, chaque fois, dans ma chambre d'hôtel en partant. Avec Saïd, nous sommes donc retournés au café berbère, ou nous avons bu un thé fumé, je n'aime décidément pas, en attendant le tajine concocté par Hichem. Et ce Tajine est sans doute le meilleur que j'ai mangé, à égalité avec celui de Khadija. Un truc que j'ignorais, c'est que ce plat se déguste sans couvert, tu ramasses la nourriture avec le pain, et shloumpf, le tout dans la bouche. Patates, zitounes, poulet, oignons, tomates persil, mélange d'épices signé de l'épicier du souk : mélange poulet, puisque les épices, ici, ne sont pas des variables à la disposition créative des cuistots, ils sont immuables et maîtrisé à la perfection par les épiciers. Nous avons donc mangé ici, en matant un film que j'avais déjà vu et que du coup j'ai compris, une histoire de fin du monde avec Nicolas Cage. J'ai payé 20 dh à Hichem, 15 dh le poulet, le reste c'est Saïd, dans les 15 dh aussi. 50 dh pour deux, un tajine excellent et généreux, un thé, et la vision merveilleuse du cuistot. Record battu, et d'assez loin.

Trente-cinquième jour
Mardi matin à Essaouira. Jeudi, Marrakech, Vendredi, Lyon. Hier, au moment de se coucher, m'est venu sans prévenir cette réflexion, « c'était un beau voyage ». C'est une façon, je crois, de commencer la digestion. De chercher une conclusion heureuse.

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