jeudi 8 janvier 2009

Quentin, Féclaz

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Le coup de feu était à 17 h.
Madame vrombissait de table en table, se trouvait un sourire commerçant, pestait.
Monsieur surveillait la manœuvre depuis le bar, un œil sur la crêpière, tendait une assiette ornée d'un monticule de crème chantilly en récitant :
« Mont Blanc »
Une vieille fille comme un long fil sec disposait avec précaution les tasses de chocolat fumantes et les théières sur le comptoir, Madame s’en saisissait sans fatiguer, braillait une commande pour la 3.
Et, lui, alors. Il n’avait pas vingt ans, des grâces de chamois. Il récupérait la vaisselle sale en petits tas sur un plateau et, disparaissant une minute dans le bout de cuisine où il était si seul, la rendait proprette et bien rangée. S’il cassait une assiette et une bouteille de jus de fruit, s’il répandait sur le carrelage du Salon de Thé quelque reste sucré du quatre heures d’un touriste, il ne rougissait plus, ni ne s’alertait. C’était le travail et il ramassait, presque souriant, nettoyait, balayait, puis versait le tout dans un bac en plastique de la commune. Sans hâte ni faiblesse.
« Il n’y a plus de Pago fraise, il n’y a plus de Pago fraise »
Dans la seconde, le gamin surgissait avec une réserve de Pago fraise, ACE, tout ce que tu veux.
Joyau de cette modeste maison, le môme était choyé par la patronne qui lui montrait le fonctionnement de la machine à café, la façon de tenir un plateau. Et moi qui n’avais alors d’yeux que pour ce qui brille, ce sont mes yeux que j’admirais d'abord sur le reflet d’un cuivre. Je caressais le prénom de Quentin, Quentin, ou bien le taillé-je à la mesure d’un amour impossible, je le croyais né pour ma couronne.
J’ai payé son dû à la patronne, j’avais encore du chemin, une heure et demi de montagne, jusqu’au chalet.
« Au revoir. A bientôt. Au revoir jeune homme. »
Et j’ai vu Quentin rougir.

4 commentaires:

  1. Trèèès content de pouvoir te lire à nouveau.
    Gros bisous

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  2. Quoiqu'il en soit, après tout ce temps de silence, il est rassurant de lire que tu n'as pas perdu ta capacité à faire rougir les jeunes hommes

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  3. Ah, moi aussi je aussi je suis contente qu'on se retrouve, mais bon sang mon bon ouam, quand va tu cesser d'être appâté par la chair si tendre et si fraiche des jeunes chamois?
    Attention le loup vient d'être réintroduit dans nos montagnes...
    Et moi je te pisterai.
    Ta Jane

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  4. Le loup, le loup, le loup .... Faudrait pas encore stigmatiser ces pôv'bêtes, hein. C'est d'un OOOOgggre qu'il s'agit ici.

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