vendredi 27 mars 2009

B268

P-F

4ème étage

…camion met dix minutes pour se garer, un gros machin avec un moteur battant de bon matin, pas gêné, il empiète sur l’arrêt du trolleybus numéro 6, et puis trois bonshommes en sortent, dotés d’épaules et de bras, mais pas tant que ça, ils vont siffler un café à « La Réclame », rue Imbert Colomès, si bien que Pierre-François croit qu’il va pouvoir se rendormir, malheureusement les gars, quand ils reviennent, ils font un barouf pas possible, ils claquent tout ce qui ressemble à une porte, ils traînent les poubelles au dehors. Le 6, arborant les couleurs des Transports en Commun Lyonnais, en arrivant, proteste tant qu’il peut, carillonne, s’ouvre à une jeune fille flemmarde et une vieille arabe avec un fichu sur la tête, puis repart en grommelant. Dans l’allée, les déménageurs font fissa, ils communiquent en hurlant, Pierre-François n’a rien d’autre à faire que de les observer, depuis son 4ème étage. Il ouvre sa fenêtre et la ville vient prendre d’assaut sa petite chambre. Le tumulte, deviné, barré de borborygmes mécaniques, que l’air chaud porte en toute quiétude jusqu’à elle. P-F engrange de larges goulées de cette poisse paresseuse qui s’imprègne de l’odeur des murs, s’y frotte en ronronnant. Les hommes qui entrent et sortent de l’allée à toute blinde se colorent peu à peu. Un grand brun se pointe, peut-être le nouveau voisin, accompagné d’un homme chauve, de son âge, la quarantaine, alors que ça plaisante de moins en moins. Le 6, rouge de colère, carillonne une plainte avant de contourner l’obstacle. Les gosses assis sur les marches de la rue Pouteau devisent, vendent, rient, gueulent, fument, jouent, courent, rient encore. L’alarme d’une automobile malmenée par un passant s’éteint tandis que deux porteurs écarlates tiennent un vieux frigo de collection. Le nouveau voisin s’empare d’un autre carton. Bref, sous le 18 de la rue Pouteau, qui croise à cet endroit la rue Imbert Colomès, le petit coin de Croix-Rousse, morceau de route entre deux longs escaliers plongeants sur le centre-ville, prend vie.

Maintenant que P-F est debout, il peut faire quelque chose, il ne se sent pas fatigué.

(à suivre)

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