Vingt-neuvième jour
Simon est moins présent, il m'a
prévenu, si tu as besoin de compagnie, n'hésite pas, tu demandes
Simon. Il ne veut pas s'imposer alors il est fantômatique. Je
discuterais volontiers avec lui, mais sa future femme, je le sens,
m'en voudrais. Ils ont peu de temps ensemble, elle bosse beaucoup,
ici, da,ns la maison de sa soeur, tandis que lui promène sa bedaine
et sa casquette blanche dans le village et sur les montagnes. Il m'a
dit sa surprise de se voir ainsi me raconter sa vie, il ne le fait
jamais. C'est un homme affable, mais solitaire. Il se « parle à
lui-même », pense beaucoup. « Les gens savent, on se dit
bonjour, mais ils respectent la distance ». Cette réserve lui
vient probablement de sa visite des enfers. Quand il travaillait à
Rabat, son mentor, le colonel, le conseille sur sa carrière et selon
lui, s'il voulait évoluer, il lui fallait changer de service. Il le
dirige vers un autre militaire, colonel-major, qui l'embauche dans
une équipe qu'il est en train de former. Et la carrière de notre
Simon décolle, comme promis, jusqu'à ce que soit créé, pour lui,
un poste de directeur du service. Seulement, Simon n'est plus au
palai, même s'il est toujours en contact avec les chevaux du roi et
il continue de croiser le souverain et sa famille. Il continue aussi
de voir un homme, qu'il connaît depuis longtemps me dit-il, un
Français, qui fut le grand ami d'Hassan II et qui avait alors
l'oreille de Mohammed VI. Il avait l'affection de ce Responsable de
la Maison du roi (si j'ai bien compris la fonction), qui était aussi
son protecteur. Mais à plus de 70 ans, le français tombe malade et
doit se faire soigner en Europe. Simon est alors un directeur
respecté, bien payé, marié, père de deux filles. Le colonel-major
décide de profiter de ce moment. Il licencie Simon sans préavis ni
indemnité. Du jour au lendemain, il se retrouve sans travail, mais
ce n'est pas tout. Sa femme, voyant cela, fuit chez sa mère, puis
divorce, emportant avec elle les meubles et... leurs filles. Obligé
de déménager, il va à Casa. Il trouve un appartement, juste en
face d'un cabaret. Commence une période de laisser-aller, il se perd
dans l'alcool et la solitude, erre dans la ville, fume des cigarettes
depuis ce temps-là.
Il me dit aujourd'hui qu'il doit
ouvrir, dans quelques jours, une boutique de tapis berbères à Aït
Benhaddou. En attendant, je dois dire que ce ne sont pas les cadences
infernales. Mais son grand projet, son rêve, c'est un centre
équestre, si le gouvernement lui cède un terrain qu'il convoite.
Pour les touristes et aussi pour les tournages qui ne manquent pas
dans la région, il y en a d'ailleurs un en ce moment dans le Qsar,
sans chevaux. Un film modeste, rien à voir avec Alexandre ou
Gladiator, ou Sodome et Gomorrhe, le film de 1962 pour lequel les
portes en pisé de la ville ont été construites.
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