Vingt-deuxième jour
Je matais les gens sur le quai de la
gare de Casa-Port, deuxième gare de Casa, après Casa-Voyageurs.
J'allais écrire : que de beauté. Et puis je me ravise.
Qu'est-ce qu'on se ressemble. J'ai bien sûr quelque tendresse envers
le genre que vous savez mais les femmes ne me sont pas indifférentes.
Leur joliesse s'épanouit sous leur châle, en demi-sourires, en
éclats de blancheur, en retenue. J'essaie de ne pas juger cette
propension à se voiler les cheveux, assez générale au Maroc,
disons que la moitié des femmes se voilent. Si je me réfère aux
versets qui parlent de ce voile, je me dis qu'il y a une ou deux
bizarreries. Si je puis me permettre, hein. D'abord, le Coran dit
« des pieds jusqu'à la tête ». Mais ici, la religion
n'est pas réglée uniquement par le Coran, puisque les Marocains
acceptent de prendre en compte les écrits des théologiens (si j'ai
bien tout compris). Donc, va pour le châle. Ensuite, le voile évoqué
par le Coran concerne le règlement de la maison du Prophète. Qui
était un homme spécial, tout de même, il faudrait en tenir compte.
Les femmes voilées se prennent-elles pour les femmes du Prophète ?
Leurs maris peuvent-ils lui être comparé ? La ou les femmes de Tartempion suscitent-elles autant d'envie que celles d'un roi ?
Je me souviens en outre de cette Française, sur France Inter, qui
disait se voiler pour séduire un homme. Je traduirais : pour se
montrer vertueuse aux yeux des hommes dans le but de les séduire.
Mais n'est-ce pas tout simplement un odieux détournement de la
parole du Prophète, qui voulait justement, en voilant ses femmes,
les protéger du regard concupiscent des hommes ?
Bon me voilà encore à me mêler de ce
qui ne me regarde pas. Mais ce sont des questions auxquelles je
voudrais bien qu'un Musulman ou une Musulmane réponde, et en
particuliers un théologien.
Mais pour conclure, je crois qu'il faut
juste dire combien les Marocaines et les Marocains sont normaux. Des
gras, des ridicules, des beaux. Des fiers, des apeurés, des
tâtonnants. J'en ai vu quelques fois se disputer, cela peut-être
très violent. Je me souviens en particuliers d'une femme et d'un
homme, à la fermeture du Souk de la rue Sight Taka (nom chopé sur
un plan mal foutu), à Fès, l'homme a frappé sans la moindre
retenue, d'abord la mère, ensuite la fille qui venait à la
rescousse. Il faut dire que la dame est arrivée en l'invectivant
depuis l'autre bout de la rue, elle s'est jetée sur lui pour le
taper, et elle s'est pris une vieille dérouillée, le mec ne s'est
pas dit un instant les femmes, on les frappe avec des roses (du côté
de la fleur si possible). Dans le même genre, un homme de haute
stature s'est déchaîné, rue Mohammed V, à Casa, sur un vieil
homme en chasuble jaune fluo qui lui avait dit deux mots à la
portière de sa BMW. Le géant est sorti de sa caisse, et vlan. Les
coups partaient depuis loin, et tombaient chaque seconde avec une
précision incroyable sur le visage du vieux, qui chancelait, comme
abasourdi, et ne cherchait d'ailleurs pas à fuir. C'était Jésus le
vieux, il tendait l'autre joue, puis l'autre, puis encore l'autre.
Tout à l'heure, des femmes se sont déchirées dans le wagon, sans
en venir aux mains, mais c'était juste. Et j'ai d'autres exemples.
Pourtant les Marocains me semblent globalement très gentils,
charmants, souriants avec les étrangers, moqueurs et complices entre
eux. Je pense qu'ils doivent être beaucoup dans la retenue. Une vie
consacrée pourtant à la survie, pour la plupart, une âpreté de
l'existence que je ne peux qu'imaginer. Et puis parfois les digues
cèdent...
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