Dix-neuvième jour
Hier, vendredi, le jour chômé des
musulmans, le café Clock était fermé, au grand dam de mes amis de
circonstance. Et tout à l'heure, retourné à l'hôtel, je demande
un conseil, un café avec la wifi, et le mec me dit d'aller au café
Clock. Alors moi je crois que c'est un endroit sympa, il n'y a pas de
raison. J'y suis, là, maintenant, je viens de finir une Harira dont
je pense qu'elle est sortie d'une boîte de conserve ou d'une brique.
Très décevante au regard de celles que j'ai aimé à Tanger ou Chef
Chaouen. Mais bon, cela fera un dîner raisonnable. En revanche, le
cadre est superbe, c'est le concept du café marocain élégant. Pensé par un Américain, pour tout dire. Sous
bassement en zelliges, d'ailleurs non, pas tout à fait, plutôt des
mosaïques, je crois qu'il faut faire la distinction. Hauts murs
badigeonnés du tadelakt jaunâtre de Fès, ornementations de stuc
sculptées autour des fenêtres, plafonds en structure pyramidale, en
bois de cèdre, sculpté et peint comme il se doit. L'endroit est
confortable, les serveurs accueillants et la clientèle presque
exclusivement occidentale. Évidemment les prix sont pour beaucoup
dans cette ségrégation. 35 dh la Harira, c'est le prix d'un
couscous sur la place Uta El Hamam, à Chef Chaouen. Maintenant, j'ai
aussi vu le coca à 10 dh, un prix observé un peu partout. Sont
forts ces américains. Je viens de penser qu'en plus il risque de
pleuvoir cette nuit, et demain matin. Je suis marron, moi, avec cette
chambre sur la terrasse. Ah ça y est, il pleut !
Vingtième jour
J'ai décidé de filer sur Meknès.
Histoire de faire la tournée des cités impériales avant de voir le
sud. J'espère trouver le soleil et un coin tranquille. Peut-être
même un coin de plage, du côté d'Essaouira, plus tard. Pour
l'instant, je tiens mon budget, mais je me rends compte que plus je
vais dans le sud, surtout les cités impériales, plus les prix y
sont élevés. Alors, à Fès, j'ai trouvé une piaule à 150 dh,
mais je mange pour 150 dh aussi, dans la journée. Rien de
mirobolant, un peu moins de quinze euros, mais c'est au dessus de mon
rythme de dépenses idéal. À Meknès, j'escompte une chambre à 250
dh à peu près. Une bonne nuit dans un bon lit.
Sylvain et Sylvaine sont allés à l'aéroport en fin de matinée, et c'est drôle, les saluer de loin dans leur taxi,
c'était comme si c'était moi qui partais, à nouveau. Le même déchirement, la même excitation. Et le sourire qui me prend par surprise quand je me retourne vers la ville. Mais je papote, je papote, alors que je
suis dans la pension Taalâ, toujours à Fès, en compagnie de mes
deux nouveaux amis.Ce sont les gardiens du lieu. Leurs
prénoms, il faudra que je me les fasse répéter quelques fois avant
de les retenir, il s'agit de Mouhcine, le réceptionniste, qui glandouille pas mal, toute la journée, entre deux prières, et Aïcha,
la femme de ménage, responsable de la lessive, et de tout ces trucs de bonne femme.
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