jeudi 12 février 2009

Le journaliste et la photographe

Tu manges quoi ? Rien. Non, rien. Je n’ai pas faim. Parce que je prendrais bien une part de tarte. Prends, prends. Tu la vois, celle-là, c’est leur dernière, dans la vitrine ronde. Une tarte au chocolat. Et dessus c’est de la chantilly ? Oui.


Ça coule dans la gorge comme une goulée de rhum, ça brûle comme une bouffée de cigarette, une blonde, sans filtre. Un goût de caramel ou de réglisse s’immisce, un jus brunâtre gicle jusque sur ma lèvre inférieure. Coup de langue discret.


T’as fini c’est con j’ai faim maintenant. T’aurais dû me dire. Ben je te le dis tu m’as donné faim. Je te commande un truc. Mais non t’inquiète, c’est pour rire, je m’en fous de ta tarte. Raconte, plutôt, ça se passe comment en ce moment. Et toi ta rencontre avec, comment il s’appelle ? Oh rien. Il est beau, jeune, il a des subventions tout autour du ventre. Qu’il a plat ? Qu’il a plat.


Ça se vide en moi, ce garçon dont je parle m’inspirait tant de douceur. Entre deux trains, il est passé aux Célestins où je l’ai interrogé pour le journal qui m'emploie.


Je n’ai pas vraiment eu à l’interroger. Genre tu mets un euro. Et il a quel âge ? Le mien. Tu vas le revoir ? Il faudra bien que j’aille voir son spectacle, mais sinon. Cool, moi j’ai vendu plusieurs photos, plusieurs, génial, non. C'était une bonne expo, dans une bonne galerie. Du coup je pars en vacances, j'ai déjà les billets, mais j’ai fait une bêtise.


Je le vouvoyais en le saluant, normal, et puis soudain je me suis mis à le tutoyer. Il s’est assis à côté de moi, pour me montrer des photos de la création. Son ordinateur n’avait plus que 8 minutes d’autonomie, nous nous serrions l’un contre l’autre, je jurerais que nous nous serrions. Enfin c’était boulot boulot, il était content que mon journal lui consacre un article. Je sais pourtant qu’il m’a reconnu, à la fin, il m’a tapé la bise, une vraie, les lèvres sur ma joue.


Devine. J’ai pris les billets d’avions et nous partons, mon chéri et moi, le 19 mars, ça ne te dit rien. Merde la grève. Et tu crois qu’ils me l’auraient dit à l'agence. Faut jamais partir un jeudi. Tu ne demandes pas où on part ?


Ça coule un goût de marbre sous la langue, ça coule un béton noir, je me débats pourtant, jusque sur les fonds vaseux du Rhône où je dépose, ma plume.

2 commentaires:

  1. des fables comme celle-là, j'en redemande
    et les dialogues, génial, comme j'aimerais savoir en écrire

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  2. @J'ai fait comme t'as dit janjacq et c'est une trrrès bonne idée de me dire lorsque je fé une faute.
    Bienvenu en tous cas par ici.

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