vendredi 9 novembre 2012

Mes carnets du Maroc (42)


Vingt-cinquième jour
Nous sommes le 20 avril, juste deux semaines avant mon départ pour Lyon. Je réalise que la plupart des touristes ne viennent, au maximum, que pour deux semaines. Ce qui tempère heureusement le sentiment d'urgence à aller dans l'Atlas. Le genre propre à me paralyser. Le stress me crispe, mes muscles, mon corps semble vouloir tout stopper. Tandis que je sais que je n'ai rien à craindre, je peux prendre un car, cette après-midi, arriver à Ouarzazate, trouver un hôtel, demander à aller à Aït Benhaddou, trouver un endroit charmant pour marcher, glandouiller, dormir, admirer, et encore admirer les merveilles de l'Atlas. Il va peut-être me manquer un pull, je n'en trouve pas dans les souks de Marrakech, hormis les déguisements du coin. Je ne vais pas m'humilier, encore, en achetant une Djellaba. N'est pas Rousseau qui veut, et puis, je n'ai pas cette vocation de faire l'original.

Vingt-cinquième jour
Les plus nécessiteux font la manche. Tout comme les vieux paysans qui ne sont plus bons à rien. Ensuite, juste après, il y a ceux qui vendent des paquets de mouchoirs, des aveugles, des adultes crottés, beaucoup d'enfants accrocheurs, souriants, et tellement tristes quand tu refuses. Mais tu es forcé, parce que si tu en as un, tout de suite, tu en as dix, et ils te supplient, ne lâchent pas. C'est horrible à dire, et surtout à faire, mais tu apprends peu à peu à te montrer froid, fermé, avec eux. Un petit gars pieds nus, télécommandé par sa mère, me baisa dix fois le ventre pour me persuader de faire un geste, dans l'avenue Mohammed V défoncée de Casa, et j'avoue que cela me mit dans la situation de ne pas savoir quelle attitude adopter, le môme se foutait bien de ma compassion, il était entièrement voué à son objectif, et le regard rivé trente mètres plus loin sur sa mère, qui l'encourageait du chef. Je vais tenter de retrouver mon sourire, quand les enfants m'abordent, ils essayeront d'en profiter, mais peut-être que je dois supporter ça. Je peux dire non avec le sourire, c'est ce que j'ai réussi, à peu près, pendant trois semaines dans le nord. Très compliqué ici, à Marrakech, où je suis sur le qui-vive.
Après les vendeurs de kleenex, il y a les cireurs de chaussures, sans doute. Ils parcourent sans cesse les cafés en tapant sur leur boîte à cirage pour attirer l'attention. A la réflexion, je pense qu'il faut les mettre à égalité avec les marchands de tout et rien qui proposent ce qu'ils ont pu chiper quelque part, une paire de lunettes, un collier, un chapeau de paille berbère. D'autres vendent des cigarettes à l'unité, se faisant connaître en remuant, rythmiquement, quelques pièces de monnaie, dans leur poche ou leur main. De jeunes acrobates répètent, inlassables, leur numéro face aux touristes installés en terrasse. Des femmes assises sur de tout petits tabourets proposent des objets lumineux que, non loin, de jeunes hommes lancent en l'air dès la nuit venue. Il y a aussi celles qui dessinent au henné sur les avant-bras blancs, des motifs floraux élégants. Celles et ceux qui se promènent avec un plateau de gâteaux marocains ou de nougats colorés. Des hommes poussent des carrioles, mènent un bourricot chargé de caisses en carton ou traînant un chariot de fruits, vers l'emplacement choisi, ou pour approvisionner une boutique. Des paysans des montagnes vendent leur toute petite production sur un coin de rue, les vendeurs de jus d'orange hèlent le passant, les rabatteurs des restaurants te harcèlent en souriant, te promettent la résurrection de Bernard Loiseau, 30 dh le couscous. Les faux guides te chopent dans la médina au milieu des magasins regorgeant de produits pour touristes, et je devrais dire, ployant sous les marchandises. Ils t'alpaguent, tu les envoies chier, ils insistent, et même parfois te proposent de coucher. J'ai raconté mon épisode Ronaldo, mais j'ai croisé une conversation, hier, d'un garçon qui proposait à une femme asiatique (une Coréenne ?) de venir chez lui.... Ceux-là, celles-là, gazouillis et gazelles, à priori, financièrement, s'en sortent bien. Les commerçants et les artisans, innombrables, travaillent, quant à eux, beaucoup, tout le temps, parfois pour quelque rond. Tu les vois attentifs, assis devant leur boutique ou leur ouvrage, hyper actifs, un marteau à la main, un fer à souder, des ciseaux, du tissu, du cuir, du métal, ou encore les mains perdues dans un moteur en rade. Dans les hôtels, pour 800 dh par mois, des femmes passent leur vie à nettoyer par terre, à laver le linge, à faire les lits, et des hommes tout enflés de leur importante responsabilité attendent le client, à la réception.

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