Vingt-septième jour
Le couscous de Khadija gonfle mon
ventre. Un régal, avec plein de légumes, et une semoule roulée à
la main. Je m'allonge. Je me rends compte que je ne suis absolument
pas au courant du résultat de l'élection présidentielle. C'était
le premier tour aujourd'hui, j'espère que Nicolas Sarkozy fait déjà
ses bagages. Ma digestion risque d'être difficile, mais je suis
optimiste.
Vingt-huitième jour
« Sarkozy il a perdu et la fille
Le Pin il fait 19 % je crois. Andy ! Andy ! »
Khadija appelle son mari qui travaille
à l'étage.
« Le Monsieur il voudrait savoir
le résultat des élections ».
Andy apparaît alors, grand échalas
perpétuellement coiffé de son chèche. Sous une moustache drue, la
voix tonne, toujours un peu l'impression qu'Andy ne contrôle pas
tout ce qu'il dit, au moins en français.
« Ah alors Hollandaise 29,
Sarkozy 26,5, Le Pen 19.
- C'est beaucoup...
- Ah oui, beaucoup. Ils disent que
Sarkozy ne peut plus gagner »
En vain je demande le score des
communistes, c'est comme ça que je désigne le Front de Gauche, pour être plus
compréhensible, et la seule réponse de mon interlocuteur me paraît
significative. Pour lui, ce résultat n'intéresse que les Français,
et les chaînes de télévisions de langue allemande ou arabe ne
donnent pas cette information. J'espère que Mélanchon saura
capitaliser, euh, disons prendre appui sur sa campagne pour le
troisième tour, au moins aussi important que les deux premiers :
les législatives. Les résultats définitifs me font penser que dans
une pure logique droite / gauche, rien n'est joué. Mais les
électeurs de Le Pen sont par définition plein de rancœur vis à
vis de la droite traditionnelle et du pouvoir en place et même si le
report est largement en faveur du candidat de droite, il n'est pas
massif. De même, ceux qui ont préféré François Bayrou l'ont souvent
approuvé, ces cinq dernières années, lorsqu'il était, d'évidence,
le premier opposant de Monsieur Sarkozy, et je sais que beaucoup
d'électeurs traditionnellement à gauche, mais bernés par
l'apparent réalisme du discours centriste, se sont, depuis 2007,
tournés vers l'ancien ministre de l'éducation d'Edouard Balladur.
Les réserves de voix du sortant sont de 20 %, pas plus. Quant à
Monsieur Hollande, son statut d'unique alternative à une deuxième
catastrophe sarkozyste devrait le protéger, au moins en partie, de
cette défiance bien légitime qu'un « peuple de gauche »
entretient vis à vis du Parti Socialiste, et en particulier depuis que, derrière François Hollande, il s'était prononcé pour la
constitution européenne de Giscard d'Estaing. Ne pas oublier pourtant d'aller
porter l'estocade, le 6 mai. Et de donner une majorité de gauche,
mais composite, avec le Front de gauche, à Hollande. Qui d'ailleurs
me semble être la personne idoine, l'homme des discussions, des
compromis, tel qu'une majorité hétéroclite aurait besoin. Tel
qu'un régime parlementaire aurait besoin, en fait. Cqfd.
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