vendredi 7 septembre 2012

Mes carnets du Maroc (21)

Dixième jour
Je suis sur le départ. La météo annonce encore plusieurs jours de pluie, ce qui me fait hésiter sur ma destination. Je voudrais Tétouan et Chef Chaouen, mais sous la pluie cela n'a pas beaucoup de sens. Il semble en revanche qu'il va faire beau à Rabat, Meknès et Fès.
Pour le petit déjeuner, j'ai testé les pâtisseries à l'espagnole du Petit Prince. On ne peut plus dégueulasses.
Ou Fès, direct. Rabat ne m'attire plus trop. J'ai vu la gare routière, glauque. Non mais peut-être que c'est intéressant Rabat, seulement, ça ne m'attire plus trop.

Dixième jour
Le départ pour Tetouan a été assez simple, in fine. J'ai cru un moment que dans la foire des cars privés, en partance pour tous les coins du Maroc, je ne retrouverai pas mon petit bus. Et puis, j'ai demandé de l'aide pile à la personne qui s'est occupée des passagers pour Tetouan. Presque un coup de bol, je me doutais qu'il était mouillé dans l'affaire, appelons ça le nez. Je me suis posé tout au fond, et j'ai vu des mecs se bousculer pour ne surtout pas s'assoir à côté de moi. Ça fait plaisir. Deux superbes garçons ont trouvé une place avant le pauvre et gras vieux moche croûton qui s'est retrouvé tout penaud à côté de moi. Il a dormi une heure quasiment sur mon épaule avant de se précipiter sur une place qui venait de se libérer, pour les deux ou trois minutes de voyage qui restaient. Devant la gare routière toute neuve, j'ai hélé un taxi jaune, la couleur des « petits taxis » de Tetouan, conduit par un dieu vivant, jusqu'à l'hôtel que je lui avais indiqué. Bon, en fait, je n'ai pas hélé ce taxi. J'étais encore à me demander si j'allais le faire quand un vieux m'a littéralement poussé dedans : il se trouve que la personne placée juste à côté du dieu vivant prenait la même direction que moi. Le vieux a pris deux ou trois Dh, le taxi m'en a demandé dix. Ce dont ce chauffeur n'avait pas l'air de se douter, c'est qu'il aurait bien pu vouloir la lune. La vie est une somme d'occasions manquées.

Onzième jour
Un sanglot me réveille d'une courte sieste.
Je lui tends la main, mais il regrette, il a fait comme il a pu, il s'effondre, il cligne des yeux, ses lèvres bougent, mais je ne comprends pas ce qu'il dit. Et il meurt. Mon sauveur meurt encore avant de me sauver. Je me redresse sur le lit ou je me suis écroulé tout à l'heure. Des voilages blancs filtrent l'aurore. J'ai bavé dans mon sommeil, sur le couvre-lit. Les lettres bleues de l'hôtel Panorama s'illuminent d'un dernier rayon de soleil. Qui j'attends, quel sauveur.
Mes héros meurent chaque jour. Je ne sais trop ce que cette phrase signifie. Mais elle me paraît parler de moi. De mon espérance, déchue, tel un ange. Mes héros meurent chaque jour.
Qui j'espère ? Est-ce que je n'en finis pas de pleurer mon père ? Je me pose la question sans croire à une réponse positive. Mais enfin je dois me poser les questions. Cette souffrance qui m'assaille un soir de sieste. Est-ce que c'est seulement un deuil qui ne veut pas se faire ? Quels sujets dois-je aborder pour expliquer ce sanglot, ce rêve. Je n'ai peut-être pas tout à fait réussi le deuil de mon amour fou. Comment ne pas se sentir abandonné quand on a aimé, et qu'on n'aime plus.
C'était un rêve.
Mais, de quoi devrait-on me sauver ?

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