mardi 11 septembre 2012

Mes carnets du Maroc (23)

Douzième jour
Le quartier des tanneurs est resté invisible. Je n'ai pas pu le chercher à ma guise, je suis vraiment malade. Mon ventre ne me laisse pas un mois de répit, je devrais le savoir. Un fond de mal de tête, envie de vomir, ou de chier, d'évacuer quoiqu'il en soit. Fichues pâtisseries. Je me suis perdu dans la médina, mais comme j'étais je n'ai pas eu la force de m'enfoncer d'avantage. Peur de devoir rentrer à l'hôtel d'urgence. Je suis couché maintenant, j'ai dormi peut-être 20 minutes. Mes muscles me sont douloureux, je suis crispé. Une crise de foie, comme le dit l'expression populaire. Et bien sûr je me suis retrouvé, tout à l'heure, dans une étroite rue coudée bordée de pâtisseries orientales. Failli vomir sur leurs étals. Ensuite, en sortant de la médina, dans une rue en descente, je me suis tordu la cheville, je suis d'ailleurs étonné de n'avoir pas plus mal, sur l'instant j'ai eu l'impression qu'elle pliait à 90° et le vieux monsieur qui remontait la rue a un l'air de trouver ça spectaculaire. Je me sens faible et je le suis. Pas simple à gérer, au Maroc, dans des rues où la foule se presse, te bouscule, t'observe.

Treizième jour
Hier, sur le marché qui doit occuper la moitié de la ville, disons... dix pour cent, ne chipote pas, j'ai vu un vieil homme qui reprisait une paillasse, un jeune, en face, réparant un jouet pris dans son étal, un fouillis de jouets, presque neufs, hors de leurs emballages. Dix mètres plus loin, un autre jeune homme, arrangeant ses produits, chantonnait un air oriental. Un faux guide, de ceux qui réclament tant d'argent dans toutes les médinas du Maroc, m'a devancé pendant une demi heure, dans le dédale des quartiers de menuisiers ou de ferronniers, sans omettre de m'amener chez deux commerçants sympathiques. Et il ne m'a rien réclamé. Je l'ai remercié avec chaleur. Et du coup il me reste des images d'artisans besognant dans la rue, entre les boutiques aux volets vernissés de vert.

Treizième jour
Hôtel Panorama, je prends mon petit déjeuner face au montagnes du Rif. Elles pourraient aussi bien être drômoises, même découpe, même végétation, même brouillard sommital. Je mange à peine, je m'applique tout de même à me nourrir pour la journée.
Dans la salle de restaurant où j'ai fini de manger, trois enfants, un garçon de 14 ans, deux filles un peu plus âgées, débarquent. Ils ne savent pas que le principe est d'aller se servir soi-même. Les serveurs se mettent en quatre alors, pour les soigner. Je croise le regard d'un jeune serveur, nous échangeons un franc sourire et je comprends que ces enfants sont un peu son plaisir de ce matin. Les mômes, placides, acceptent chaque don avec un naturel déconcertant.

Treizième jour
Tandis que les symptômes d'hier me reviennent... mal au ventre, suée, un fond de mal de tête, une envie d'évacuer qui ne trouve pas satisfaction, un peu de fièvre sans doute... des pensées, des doutes viennent encore assombrir mon humeur. Que suis-je venu faire ici. Encore vingt-cinq jours à tirer, et je n'ai pas idée de ce que je voudrais faire, ou voir, au Maroc. On me dit que le sud, c'est « autre chose ». Ah bon. Donc je ne vais pas passer près de Chef Chaouen sans la voir, mais je crois que je ne vais pas non plus m'attarder. Les médinas sont belles mais oh, la vérité, c'est qu'elles se ressemblent. Content d'avoir vu celle de Tétouan, dont les souks et les artisanats ont été préservés mieux qu'à Tanger. J'ai enfin pu visiter la tannerie et c'est beau, comme dirait Coluche (la réplique qui suit est : bon allez on se casse). Je me moque, mais les cuves creusées dans la pierre et qui remplissent leur office depuis des centaines d'années, c'est tout de même émouvant. Je suis moins convaincu par le marché au poisson, dont la vomitive pestilence aurait pu me faire évacuer toute cette merde qui brimballe dans mon bide depuis deux jours. Ce qui m'aurait rendu, oui, rendu, service, même si je ne sais pas comment les Marocains l'auraient pris.
Tout ça, c'est du tourisme, je ne suis pas satisfait. Je cherche une autre façon de voyager, ma façon je veux dire. Je voudrais prendre le temps de rêvasser quelque part. Boire un thé à la menthe en regardant se coucher le soleil, se lever matin de bonne humeur, avec des envies d'exploration, de marche, de méditation et de sieste au soleil. Je ne suis pas certain d'avoir choisi le bon pays pour cela, il y a toujours du monde, et des sollicitations, au Maroc.

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