Quatorzième jour
Chef Chaouen. Dès que tu arrives en haut, à la
Kasbah, tu comprends que tu es dans un lieu touristique. Une cohue de
terrasses t'accueille sur la grand' place, devant la mosquée. Des
garçons postés ça et là t'interpellent en espagnol, Holà, Pour
du chite, pour un hôtel, un Ryad, ou pour un de ces cafés aux
tables recouvertes de cotonnades du coin : chacun sa couleur.
Des kilos de mômes traînent par ici, s'amusent, mais peuvent aussi
décider de demander un rond. Une paysanne berbère passe avec un
énorme ballot sur le dos. Un vieil homme, un gros bâton à la main,
le dos courbé sous son vêtement traditionnel, à capuche, dont le
nom m'échappe à l'instant de l'écrire, semble ébahit, il regarde
un peu tout et tout le monde comme s'il voulait s'en souvenir.
Djellabah, voilà, et les femmes berbères, le tissus rouge rayé
qu'elles portent sur leurs jupes, c'est la fouta.
Quatorzième jour
Les deux derniers jours ont été
rudes, je n'ai pu manger que le matin, très peu. Rien d'autre dans
la journée, j'étais trop mal. Ce matin j'avais le sentiment que ça
allait mieux, sans compter que l'hôtel où je suis est à la fois le
moins cher et le plus charmant de ceux que j'ai fréquenté au Maroc.
Mais mon petit déjeuner ce matin, pris devant la mosquée, place
Outa El Hamam (la place des pigeons) m'a provoqué une forte suée,
je trouve cela inquiétant.
Quatorzième jour
Allongé sur mon lit, tout à l'heure,
ma petite fenêtre grande ouverte sur la rue de la médina.
J'entendais avec plaisir la vie s'ébruiter. Les enfants et les
vieux, ça n'est pas la première fois que je le constate, et cela me
rappelle doucement l'Espagne, sont toujours en dialogue. De même,
les adolescents adorent prendre en charge les petits. J'ai suivi
comme j'ai pu la conversation de trois ou quatre adolescents. L'un
d'eux manifestement imitait le ton docte d'un professeur ou, que
sais-je, d'un imam, et cela provoquait des fou-rire magnifiques parmi
ses camarades.
Les Marocains n'espèrent qu'une chose
de moi, que je lâche ma thune. Mais j'aime les Marocains.
Retour sur la place des pigeons. Une
anecdote, qui ne peut pas surprendre grand' monde. C'est l'heure de
la prière puisque le Muezzin vient de chanter. J'ai bien vu quelques
hommes, à l'instant, se précipiter à la mosquée, se déchausser
en hâte, et je sais que nombre de musulmans prient chez eux ou sur
leur lieu de travail, mais tout de même, je suis obligé de
constater que l'activité, devant mes yeux, ne change pas. Et c'était
le cas partout où je suis passé. Par contre, à Tanger, il y a eu
un match du Barça. À l'heure où normalement les rues autour du
boulevard Pasteur grouillent de monde, pendant deux heures, c'était
le désert. La ville ne respirait plus que dans les salles bondées
des salons de thé, et c'était d'ailleurs un spectacle, tous ces
visages mâles tendus vers une petite lueur au-dessus de la vitrine.
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